Les nouvelles bibles du féminisme

Si l’affaire Weinstein a dernièrement déclenché une nouvelle forme de parole des femmes avec les mouvements #metoo et #balancetonporc, la littérature regorge depuis longtemps d’engagements féministes. Simone de Beauvoir et son Deuxième sexe n’est pas la seule à s’être engagée par les mots pour le droit des femmes. De l’essai au roman en passant par la BD, petit tour d’horizon des nouvelles bibles féministes à poser sur sa table de nuit.

Kesako ?

Sorti en 1985, ce roman devenu culte de Margaret Atwood n’a pas pris une ride. Dans un régime où elles ne bénéficient d’aucun droit, les femmes sont contraintes de porter les enfants des familles dirigeantes. Defred, l’héroïne, n’entend bien sûr pas mener sa vie aux mains des hommes.

Pourquoi faut-il absolument le lire ?

Parce que cette dystopie est un chef-d’œuvre résolument moderne d’anticipation, et que l’histoire pousse à réfléchir aux extrêmes d’une société sexiste : le monde décrit par Margaret Atwood qui fonctionne grâce à l’asservissement des femmes et de leur corps est-il vraiment si loin du nôtre ?

Depuis l’élection de Donald Trump et les menaces croissantes des droits des femmes, l’héroïne du roman est devenue un symbole de résistance aux Etats-Unis. Après l’avoir lu, foncez regarder la géniale série Netflix adaptée du livre : The Handmaid’s Tale.

La servante écarlate, Margaret Atwood, Robert Laffont, 11,50 €.

Kesako?

Ce livre, sélectionné en finale du prix Goncourt 2017 (finalement remporté par L’Ordre du jour de Eric Vuillard), a beaucoup fait parler de lui pour la force inouïe de son héroïne, qui a réellement existé. Bakhita, esclave depuis ses sept ans, est rachetée à l’adolescence par un maître italien où elle subit toute la violence et les horreurs dont est capable l’homme. Finalement affranchie, la soudanaise devient sainte et décide de vouer sa vie aux enfants pauvres.

Pourquoi faut-il sauter dessus ?

Parce que Bakhita incarne la force des femmes d’hier et d’aujourd’hui dans un monde particulièrement hostile. Cette petite fille passée de maîtres en maîtres, tour à tour “jouet” aux mains d’autres humains, a toujours su garder la tête haute malgré les sévices, un regard pur et une âme d’enfant. La vie de Bakhita est l’histoire d’une femme démesurément forte. Si Bakhita l’a fait, tous les espoirs féministes sont autorisés.

Bakhita, Véronique Olmi, Albin Michel, 22,90 €.

Kesako?

On connaît la talentueuse Leila Slimani pour son roman Chanson douce (prix Goncourt 2016), on la redécouvre dans son essai sorti en octobre dernier. À travers plusieurs témoignages de femmes, Sexe et mensonges nous plonge dans la société marocaine où la femme ne peut être que vierge ou épouse, alors même que la prostitution est omniprésente. Dans ce pays où l’homosexualité et tout acte sexuel hors mariage sont considérés comme des crimes punis par la loi, la plupart des mariages sont arrangés et décidés par... des hommes.

Pourquoi faut-il sauter dessus ? Parce que cet essai milite pour le droit à la sexualité libre des femmes et nous rappelle que le combat féministe a encore beaucoup de pain sur la planche dans certains pays. En s’attaquant au démon intime du Maroc, l’auteure franco-marocaine libère une parole et nous fait réfléchir à la place de la sexualité des femmes dans notre propre société.

Sexe et mensonges, Leila Slimani, Les Arènes, 17 €.

Kesako ?

Cette bande dessinée en deux tomes présente trente femmes d’hier et d’aujourd’hui, célèbres ou oubliées de l’histoire, qui ont en commun de n’en faire qu’à leur tête, quitte à enfreindre les interdits liés à leur sexe. Qui connaît ou se souvient de Temple Grandin, l’interprète des animaux, de la nageuse Annette Kellermann, de l’astronaute Mae Jemison ou de “la reine des bandits”, Phulan Devi ? Les recherches de l’auteur sont fouillées, les faits datés et précis et la narration souvent hilarante.

Pourquoi faut-il sauter dessus?

Parce que ces femmes issues des quatre coins du monde deviendront vos icônes féministes. Parfois au péril de leur vie, ces personnalités ont osé prendre tous les risques pour assouvir leurs ambitions personnelles. Comment l’américaine France Glessner Lee, née en 1878, est-elle devenue une miniaturiste du crime qui a réformé la médecine légale ? En se libérant de son mari qui l’empêchait d’étudier, pardi ! De belles leçons de féminisme.

Culottées, Pénélope Bagieu, Gallimard BD, 19,50 € le tome.

Kesako ?

Publié en 2006, cet essai a donné un coup de fouet aux féministes de l’époque et est devenu un classique du féminisme moderne. En racontant sans filtre le viol dont elle a été victime, son expérience dans la prostitution et son homosexualité, Virginie Despentes libère une parole sans tabou. La King Kong théorie, c’est le rapport homme-femme fabriqué par une société patriarcale : l’homme domine et la femme se soumet. D’après Virginie Despentes, si une femme tente de s’affranchir des contraintes liées à son sexe, elle prend le risque d’être violée alors même que le viol est perçu comme un mal inévitable de la virilité masculine. Comment sortir de ce cercle vicieux ? En détruisant le modèle existant.

Pourquoi faut-il sauter dessus?

Parce que dans son manifeste toujours autant d’actualité, Virginie Despentes n’y va pas dans la dentelle, et ça fait du bien. L’écrivaine rêve d’un féminisme sans concession : “Il ne s’agit pas d’opposer les petits avantages des femmes aux petits acquis des hommes, mais bien de tout foutre en l’air”. Autrement dit, on rase tout et on recommence. Avec un langage lapidaire, elle nous donne les clés pour rester la tête haute et le poing levé. Alléluia.

King Kong Théorie, Virginie Despentes, Livre de poche, 6,10 €.

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