Certains Parisiens ne savent pas forcément qui est Cathy Closier. En revanche, tous connaissent le nom d’un de ses bébés. Season. Season Market. Le Café Crème. Le Café de la Poste. Ou le feu Café Rouge. Tout ça, c’est elle. Chaque fois, un lieu avec supplément d’âme, une carte sublime, une terrasse où l’on a envie de trainer. Bref, des lieux que les autres auraient aimé inventer avant elle. Que voulez-vous, cette entrepreneuse de choc a le chic pour créer des QG ! Entrepreneuse, working mum et petite bombe de surcroît : rencontre avec une warrior.
Il était une fois… Comment avez-vous monté votre premier resto ?
C’était juste après mon année à New York, j’avais 26 ans... Le Petit Café dans le 5e arrondissement. Mes anciens boss de l’Indiana Café m’ont aidé. Je l’ai revendu 2 ans et demi plus tard et là j’ai ouvert le Café Crème.
Il fallait du flair pour s’installer au Carreau du Temple, à l’époque !
Il faut se dire qu’il y a 10 ans, il n’y avait pas un chat au Carreau du Temple. Ce n’était pas du tout branché. On parlait un peu du Marais, mais plutôt du côté de la rue des Archives. C’est un quartier que j’ai toujours adoré et je rêvais de m’y m’installer. Un jour, des connaissances m’ont appelé pour me dire qu’il y avait un resto qui se libérerait. J’ai sauté sur l’occasion, et on a ouvert le Café Crème. Une heure avant l’ouverture, il n’y avait pas âme qui vive dans le quartier. Je n’en menais pas large. Ce n’était pas encore un quartier à la mode, mais ce lieu reflétait les aspirations de ma vie new-yorkaise.
Concrètement, ça se traduisait comment ?
Déjà les burgers ! A l’époque, il y en avait encore peu et pour moi c’était la priorité. Même chose pour l’accueil, c’était hyper important pour moi de faire attention à nos clients. Comme à New York. J’avais envie que les gens se sentent à la maison et créer une ambiance très familiale.
Comment est née l’idée de monter Season quelques années plus tard ?
C’est exactement dans le même état d’esprit. J’ai continué à voyager à New York où ce genre de resto coffee shop existe depuis des années. L’envie est née d’abord parce que je ne trouvais pas d’endroit à Paris où je pouvais manger ce que je voulais à n’importe quel moment de la journée. Prendre un petit déjeuner à 15h si j’avais envie par exemple. Trouver un jus pressé à froid, un burger ou un açai bowl sur la même carte.
Vous réalisez que Season, aujourd’hui, c’est le spot le plus cool et le plus branché de Paris ?
Ma première réaction c’est la peur parce que je ne l’ai pas fait pour que ce soit un endroit branché. J’ai mis tout ce dont je rêvais dans ce restaurant et j’ai juste peur que ça ne continue pas, j’ai peur que cela soit éphémère… Alors que j’ai juste envie que ça reste un endroit où l'on vient et que cela devienne un classique.
Ma deuxième réaction : je suis profondément touchée parce que c’est tout ce que je voulais faire. Avec Season, je réalise tous mes rêves.
Comment est né Season Market ?
D’abord, il y a eu le Season Take Away car on avait énormément de demandes chez Season pour du “à emporter”. Quand le local voisin s’est libéré, je me suis dit : super, allons-y !
Le Season Market a découlé dans le même esprit. Beaucoup de gens voulaient savoir s’il pouvaient acheter le verre, la tasse, la chaise, les produits d’épicerie… On s’est dit qu’on allait tout mettre dans un shop !
La clé de votre succès ?
LE TRAVAIL ! Beaucoup de jeunes femmes viennent me voir pour que je les conseille. Il y a trop de gens qui pensent que j’ai réussi en claquant des doigts. Un bon concept ne suffit pas. Mes restos ont été une source d’acharnement, mais je n’ai rien lâché.
On m’a toujours énormément découragé, surtout parce que j’étais une jeune femme. On me disait en permanence que ça allait être difficile, que je n’allais pas y arriver… Je ne vous parle même pas du premier banquier que je suis allée voir pour demander un prêt qui m’a carrément ri au nez. Il faut être hyper tenace et travailler deux fois plus !
Quand on parle de travailler… Quelle est la clé quand on ouvre un resto ?
Les horaires ! Il faut être très présent. Surtout vis-à-vis de son personnel. De la clientèle. Il ne faut pas compter ses heures. On ne sait jamais quand on va terminer.
Ce boulot, c’est ma passion et je me suis épanouie là-dedans, mais ça ne s’est pas fait sans sacrifices sur ma vie privée, ma vie sociale. Ça aussi, les gens oublient.
Le sacrifice que vous n'avez pas fait ?
J’ai fait deux enfants… Je voulais les voir grandir. Par contre, il ne faut pas se leurrer, c’est une organisation militaire.
Racontez-nous votre journée type.
Je me lève à 6h30, je m’occupe de mes enfants, je les dépose à l’école puis je travaille. Avant, j’allais les chercher à l’école, mais maintenant quelqu’un s’en charge. Je rentre m’occuper d’eux le soir. Et quand ils sont couchés… Je retourne bosser. J’ai longtemps habité au dessus du Café Crème. C’est drôle, les clients me croisaient parfois au petit matin dans le Marais en train d’essayer d’endormir mon bébé en poussette… Avant de me retrouver quelques heures plus tard au resto (au bout de ma vie) ! Maintenant je suis à 5 minutes à pied. Si mes 3 restos Season, le Café Crème et le Café de la Poste sont si proches les uns des autres, ce n’est pas un hasard. C’est la clé. Quand j’ai des problèmes, il faut que je puisse intervenir très vite.
Vous êtes la working girl toujours jolie et sexy… Votre uniforme ?
Jean + Baskets + un coup de mascara.
Quand il faut demander de l’argent à la banque : du rouge à lèvre rouge s’impose.
Jamais sans ...
Mes deux téléphones qui ne me quittent JAMAIS. Je dors avec allumés. Si mon téléphone disparait, je suis en stress total. La seule fois où j’ai laissé mon téléphone, quand je suis sortie il y avait les pompiers au café avec un départ de feu. Depuis ce jour là, je me suis dit : plus jamais !
Le concept que vous auriez rêvé d'inventer s’il n’existait pas déjà ?
Ober Mamma et tous les concepts du Mamma Group. J’hallucine de voir des gens qui font la queue pendant deux heures devant. Ça me passionne de voir que des personnes qui ne sont pas issues de la restauration aient un tel succès… Après, je ne sais pas si c’est le restaurant dont j’aurais rêvé mais je trouve que leur réussite est incroyable.
Ober Mamma, 107 Boulevard Richard Lenoir, 75011 Paris. Plus d’infos sur www.bigmammagroup.com
Chez vous, vous cuisinez quoi ?
À part des nuggets pour mes enfants (rire), je ne cuisine pas beaucoup : je commande. Je suis obsédée par le fait de découvrir de nouveaux restos. Avant, j’en testais un tous les soirs. Maintenant qu'ils sont tous sur Deliveroo, je les fais venir à la maison par vélo électrique !
Le concept qui vous fait rêver aux US ?
Le lieu qui me fait rêver est à Los Angeles : Gjusta Bakery. À la base, c’est un resto à consonance italienne. Ils ont ouvert un lieu. Wahou. Quand tu rentres, tu as l’impression que c’est une boulangerie, et il y a tellement de choses différentes à manger ! Au fond, il y un bar genre barista. Tu peux acheter des produits d’épicerie. Ils viennent aussi d’ouvrir leur market. Ça, j’adore !
Mais à New York, je viens toujours décompresser à Bagatelle. Mon ami Aymeric Clemente a créé ce bistrot français qui devient festif en fin de service. Les samedi et dimanche, à 15h, tout le monde danse, l'ambiance est magique, c'est la joie de vivre. C'est parfait pour moi, en plus l'équipe est absolument adorable.
Bagatelle : 1 Little W 12th St, New York, NY 10014, États-Unis. Plus d’infos sur www.bagatellenyc.com
Quand vous avez besoin de couper avec la frénésie parisienne, où partez-vous ?
NEW YORK.
(On insiste) Mais si vous avez vraiment besoin d’une parenthèse Slow Life ?
(Elle insiste). NEW YORK.
Comment faites-vous pour garder la ligne ?
Je fais du sport. Je ne suis pas sûre d’en faire bien mais j’en fais. Comme je travaille beaucoup : il y a aussi peut être le facteur stress aussi.
En revanche, je ne fais pas du tout attention à ce que je mange, surtout quand je voyage pour le boulot. On petit-déjeune deux fois, on teste des trucs.
Burger ou jus pressé à froid ?
BURGER sans hésitation.
Et les jus que vous servez chez Season, vous les buvez quand ?
Le matin quand je suis pleine de bonnes résolutions. Je suis capable de boire un jus et manger une banane. Et si le midi je fais attention, le soir je craque à tous les coups. Passer toute une journée en faisant attention, pour moi, c’est mission impossible.
Une femme qui vous inspire ?
Toutes les femmes entrepreneuses que je rencontre. Je sais la difficulté d’un parcours pour une femme.
Le renouveau du mouvement féministe, ça vous évoque quoi ?
On me dit toujours que je suis féministe. Je ne me sens pas féministe dans l’âme. J’entreprends et j’ai envie d’aider les femmes qui entreprennent. Juste parce que je sais que c’est un parcours compliqué. Je trouve ça bien d’aider les femme et de s’entraider, c’est très important pour moi. Quand je rencontre des filles, je leur donne mon téléphone pour qu’elles puissent m’appeler quand elles en ont besoin. Cela n'a pas toujours été évident pour moi, du coup j’ai envie d’être la pour les autres… Vous avez raison, après tout, c'est peut être ça le nouveau féminisme...
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