Après Abd Al Malik, c’est au tour de Kery James de filmer sa vision des quartiers et d’imposer un style et son analyse de la vie du 9.4. Le ton est donné : Banlieusards, le titre de son long-métrage, résonne avec celui d’une chanson éponyme, carton plein sur les radios et au box-office en 2008.
Malin et fin connaisseur de la machine contemporaine du succès, Kery James a préféré Netflix aux salles obscures pour parler en masse à la jeunesse et sortir, buzz à l’appui, un film qu’il veut éminemment politique, capté par son “œil” de toujours, la réalisatrice Leïla Sy, clippeuse officielle du rappeur.
Banlieusards
“On n’est pas condamné à l’échec, voilà l’chant des combattants / Banlieusard et fier de l’être, j’ai écrit l’hymne des battants / Ceux qui n’font pas toujours ce qu’on attend d’eux / Qui n’disent pas toujours c’que l’on veut entendre d’eux.”
Le rappeur prêchait déjà un point de vue héroïste (presque macroniste, critiqueraient ses détracteurs) de la banlieue. Loin du déterminisme social, la possibilité qu’on peut s’en sortir, si on le désire.
Une fratrie : trois possibilités
Pour incarner sa fable urbaine, Kery James ne pouvait pas échapper à sa propre mise en scène. C’est chose faite… dans le rôle du grand frère d’une fratrie, dealeur, vivant la grande vie de malfrat, à “ça” de la prison et honte de sa mère méritante.
Le petit dernier, un ado mal dégrossi, lui, se cherche une vocation entre deux taffes de pétard : graine de voyou ou élève modèle, comme son grand frère.
Souleyman Traoré, le fils cadet (Jammeh Diangana), a le beau rôle : celui de la réussite sociale. Élève avocat, humble, brillant, il partage sa vie entre deux mondes : la cité du 94 et l’autre côté du périph’ entre la fac et le Palais de Justice.
Les paradoxes de sa vie le rattrapent jusqu’à la finale du concours d’éloquence de la conférence, confrontée à une bourgeoise blondinette et pétillante (Chloé Jouannet) pas insensible à ses charmes.
Le sujet tombe : “L’État est-il le seul responsable de la situation actuelle des banlieues en France ?”. Le jeune Traoré a été choisi pour soutenir que non…
Une plaidoirie pour la liberté
“Si les habitants des banlieues peuvent considérer l’État comme à l’origine de tous leurs problèmes, il serait compréhensible qu’ils attendent de l’État qu’ils apportent une solution à tous leurs problèmes. Or l’État si puissant à vos yeux ne le peut pas. Peut-être ne le veut pas. Mais quoi qu’il en soit, ne le fera pas. Alors : que reste-t-il à ces gens, selon vous, si ce n‘est la pleurnicherie victimaire ?”
Ainsi commence sa plaidoirie. Kery James avait écrit son hymne aux banlieusards il y a 10 ans. Cette fois, il répond à travers la voix de Souleyman sous forme d’un plaidoyer, d’une histoire d’amour et de liberté.
Plus qu’un film, une allégorie : “Moi, je ne me suis pas contenté de fantasmer la vie en banlieue ou de la déformer. La banlieue je la connais, j’y vis. La vie est une question de choix… La solidarité ou le chacun pour tous”, avant de citer Cyrano et d'invoquer la tragédie des banlieues... Bref, un joli coup de théâtre sur les planches de Netflix.
Banlieusards de Kery James. Film d’1h36 en ligne sur Netflix.
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