Une autobiographie qui dérange, c’est le moins qu’on puisse dire. Hachette, le premier éditeur de Woody Allen, avait d’ailleurs renoncé à publier Soit dit en passant, avant que les Éditions Stock ne se décident à lui donner la parole.
Rappel des faits. En question : une accusation d’abus sexuel à l’encontre du réalisateur de Manhattan par sa fille adoptive Dylan Farrow en 1992, puis réitérée dans la foulée du mouvement #MeeToo.
Que penser de ce pavé ?
Clairement, tant que l’artiste parle de son génie créatif : l’écriture charme follement. On se laisse embarquer dans le destin génial d’un New-Yorkais juif pur jus qui, fasciné par la célébrité, commence à 16 ans en écrivant des gags pour des journaux de Broadway…
Woody Allen fait entrer ses lecteurs dans sa vie comme dans un de ses films, avec cette petite voix off désopilante et irrésistible dans la fabrique géniale de ses 50 longs-métrages, avec des anecdotes croustillantes et du beau monde : Roman Abramovitch, Diane Keaton, Elia Kazan, Sean Penn, Kate Winslet, Frank Sinatra, Alec Baldwin, Scarlett Johansson pour ne citer qu’eux...
On passe de Brooklyn à Paris sur une jazz-band, bercé par son état à la fois dépressif et joyeux « certaines personnes voient le verre à moitié vide ; d’autres, à moitié plein. Moi, j’ai toujours vu le cercueil à moitié plein. ». Et c’est assez magique.
Un plaidoyer médiatique
Mais ne nous leurrons pas. Si Woody Allen a des chose à dire sur « son œuvre », il tient ici surtout à livrer sa vérité sous forme d’un plaidoyer médiatique pour s’exprimer sur l'affaire dont il s’estime victime d’un « lynchage en place publique ».
Le cinéaste revient sur sa vie personnelle qu’il raconte avec son habileté et sa légèreté légendaires et plonge dans l’intimité du clan Allen-Farrow à la façon d’une saga familiale, qu’il introduit en ces mots. « Revenons à ma vie privée. Pendant un certains temps, les arrangements dont Mia et moi avions décidé semblèrent nous satisfaire tous les deux. Nous n’étions pas amoureux et nous offrions un compagnonnage raisonnable. »
Règlement de comptes avec Mia Farrow
Là encore, avec son ton bien à part, Woody Allen dresse un portrait à charge et balance… transformant Mia Farrow en sorcière et prenant le lecteur à parti dans un règlement de comptes voyeuriste. C’est à partir de ce moment précis que la magie s’éteint.
« Mia cherchait des enfants à adopter comme on fouille dans les caisses de livres au rebut dans une librairie. » « Elle avait pris l’avion (...) afin d’adopter un bébé mexicain, mais l’avait rendu au bout de quelques jours passés dans son appartement new-yorkais pour des raisons qu’elle était seule à connaître. Je me rappelle aussi qu’elle avait adopté un petit garçon atteint du spina bifida qui vécut chez elle pendant plusieurs semaines, mais son fils Fletcher s’irrita de sa présence et on le renvoya lui aussi. Il y a peut-être eu d’autres enfants adoptés et rendus, mais je n’en ai pas la moindre idée - comme je l’ai expliqué je vivais de l’autre côté de Central Park. »
Quand Woody Allen passe d’un projet poétique et créatif pour faire place au sensationnel, à la guerre médiatique, décidément, les propos de l’homme comme de l’artiste ne ressemblent plus guère qu’à un ramassis de télé-réalité déguisés dans un récit autobiographique. Et à ce compte là, on préfère les Kardashian.
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Soit dit en passant aux éd. Stock. 24,50 €.