Ce savant name-dropping à suivre orientera forcément votre prochaine soirée théâtre. Visez plutôt. À la Porte Saint-Martin se joue en ce moment La Serva Amorosa, comédie culte de Goldoni. Pour le mettre en scène : Catherine Hiegel, la papesse des planches qui incarnait le rôle-titre il y a plus de 30 ans à la Comédie-Française, désormais campé par la divine Isabelle Carré. Autant le dire tout de suite : une valeur sûre à filer voir illico presto.
Une comédie féministe
À l’époque de Goldoni au XVIIIe siècle, le féminisme n’était même pas encore un concept. Pourtant, celui que l’on appelle souvent “le Molière vénitien” n’a eu de cesse de tricoter des intrigues autour de personnages féminins puissants d’intelligence, notamment dans ses chefs-d’œuvre La Locandiera et, donc, La serva amorosa. Catherine Hiegel en dit même : “Qu’il en soit remercié au nom de toutes les femmes et de toutes les comédiennes”...
Parce qu’il s’agit presque d’un acte engagé – tout prétexte est bon pour filer au théâtre, on file donc découvrir l’histoire de Coraline, une servante dévouée et particulièrement rusée, capable de manipuler son petit monde dans un gant de velours. À Vérone, son jeune maître Florindo a été chassé de sa maison à cause de Béatrice, sa cupide belle-mère qui n’entend partager l’héritage de son époux qu’avec son stupide fils Lélio. Vous voyez d’ici venir le déroulement de l’intrigue ? On parie pourtant que non…
Géniale Isabelle Carré
Une chose en préambule des louanges à suivre sur Isabelle Carré : l’ensemble du casting frôle la perfection. Jackie Berroyer nous désole, nous fait rire et nous attendrit en mari docile abusé par sa terrible femme (parfaite Hélène Babu), quand Jérôme Pouly (ex-Comédie Française) excelle dans les mocassins du Signor Pantalone, un ami de la famille outré par l’exil de Florindo. Un homme intelligent qui, lui aussi, se fera convaincre sans le voir venir par la marionnettiste de la bande.
Cela dit, impossible de ne pas évoquer la présence quasi constante sur scène d’Isabelle Carré, douce et maligne Coraline, dont les tirades sont délivrées avec une délicieuse justesse. On prendrait presque des notes pour en apprendre de ce personnage qui arrive à ses fins tout en douceur en utilisant le verbe et la gentillesse, sans jamais donner l’impression qu’elle essaie de tourner les événements à son propre avantage. Un personnage culte s’il en est, servi par le talent d’une des plus grandes comédiennes françaises, à admirer sur scène au plus vite.
Jusqu’au 4 janvier les mercredis, jeudis et vendredis à 20h, le samedi à 16h et 20h30, le dimanche à 16h. Billets à partir de 15 €.
© Jean-Louis Fernandez
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