Et si on plaquait tout pour vivre de notre vraie passion ? Trop de contraintes, trop de risques, pas le temps… Il y en a pourtant une qui a franchi le cap avec une certaine idée de la cool attitude. Après 12 ans à jouer l’attachée de presse dans une grosse boîte d’événementiel, Audrey Keita se prend d’amour pour la couture et le Do It Yourself.
Elle sent le créneau et lance son blog The Funky Fresh Project, une véritable “boîte à idées” avec des tutos, un e-shop et même des recettes. Quelques pelotes plus tard, elle enchaîne déjà les animations d’ateliers créatifs pour apprendre aux Parisiennes à faire quelque chose de leurs dix doigts. Son dernier projet en date ? Blooming Bees, un collectif qui prône le bien-être en entreprise grâce au travail manuel. Rencontre avec une entrepreneuse inspirante toujours à cent à l’heure, que vraiment rien ne prédestinait à devenir une queen du DIY.
Vous aviez un CDI avant de vous lancer dans l’entrepreneuriat. Quel a été le déclic pour tout plaquer ?
Il s’agissait d’une grosse machine de guerre dans l’événementiel, avec des actionnaires et compagnie. Je suis quand même restée douze ans, dont sept années magiques. Mais le déclic correspondait à un moment où j'étais perdue dans ma vie pro. Je m’ennuyais. A répéter toujours les mêmes choses, je me demandais tous les jours “Pourquoi je suis là ? Qu’est-ce que je fais là ?”...
Pourquoi avoir bifurqué à ce moment-là vers la slow fashion ?
Tout a commencé il y a six ans, quand nous avons acheté avec mon copain une maison de campagne dans la Sarthe. Comme il n’était pas question de dépenser des mille et des cents en ameublement pour une maison de week-end, on a commencé à faire beaucoup de récup’. On a poncé, on a peint, on a chiné…
Du coup, notre maison est remplie de plein de petits objets qui ont une histoire. C’est ce qui la rend encore plus charmante ! Sur ma lancée, j’ai commencé à coudre les rideaux, les nappes, les sets de table etc… avec des tissus récupérés et grâce à quelques cours de couture avec ma mère et une styliste. Et dire qu’avant ça, je n’étais pas DU TOUT prédisposée à être manuelle !
Et ainsi est né The Funky Fresh Project…
Oui, le blog est le point de départ de tout ça. Par ailleurs, j’ai une passion pour les petites trousses à glisser dans son sac. Je me suis retrouvée dans une boutique devant une étiquette à 45 €. C’est du vol ! J’ai donc commencé à confectionner des objets.
Au début, j’ai fait mes collections seules, puis j’ai essayé de trouver un partenaire qui avait du sens pour déléguer la confection, très chronophage. Je suis passée par l’ESAT de Ménilmontant (une asso qui aide les travailleurs handicapés à s’intégrer par le travail, ndlr) qui est devenu aujourd’hui un partenaire à part entière de mon activité de création textile.
Pour les animations d’ateliers DIY, le premier lieu qui m’a fait confiance, c’est la Recyclerie, depuis trois ans. Nous partageons des valeurs communes : consommer différemment, la slow fashion avec la Textilerie, la Fabrique Bohème qui fonctionne comme un co-working… J’aime cette façon de travailler.
Racontez-nous ce nouveau concept d’ateliers créatifs en entreprise...
Mon nouveau projet Blooming Bees n’a qu’un mois. Il s’agit d’amener les ateliers de loisirs créatifs, notamment d’art textile, dans les entreprises. Partant du principe que l’union fait la force, nous sommes plusieurs, avec différentes pratiques et donc un catalogue complet : hypnothérapie, art thérapie, sophrologie et naturopathie pour l’instant. Nous sommes un collectif de “praticiens du bien-être” qui promeut le bonheur au travail. Nous allons même lancer un pop-up en septembre… À suivre !
L’art textile peut donc être thérapeutique ?
Prenez le tricot, par exemple ! Le fait de faire un mouvement répétitif et de se concentrer nous fait rentrer dans une forme de méditation. D’ailleurs, on voit souvent dans les médias des titres du style “Le tricot, c’est le nouveau yoga”. Il y a un côté apaisant avec le fait de se mettre dans sa bulle. Quand je n’arrive plus à me concentrer, je prends cinq minutes pour me faire quelques rangs, ça me permet de réfléchir et de remettre mes idées en ordre.
Faire des choses avec ses mains apporte une satisfaction personnelle, de la confiance en soi, de l’estime de soi et aide à se concentrer. Par exemple pour l’art textile, on est obligé d'acquérir une technique avec des points qu’on répète. Il faut un moment de concentration pour l’assimiler, ce qui demande d’être focus sur l’action qu’on est en train de faire.
Comment expliquez-vous ce come-back des loisirs préférés de nos grands-mères ?
D’abord, je pense qu’on a tous envie de consommer différemment. Le fait de faire des choses avec ses mains est une alternative à la sur-consommation. La couture en fabricant ses vêtements, le tricot pour ses pulls, ses chaussettes ou ses plaids…
Aujourd’hui dans la vie active, on est complètement happés par un rythme qui est effréné. Parfois, on se perd un peu parce que tout ça manque de sens. Refaire des choses avec ses mains, c’est concret. On touche des matières, on voit des choses se construire… C'est bien différent que d’être un employé dans une entreprise qui a un projet plus global dont on ne voit pas forcément la finalité.
Je pense que l’effet de mode joue, mais c'est une tendance saine qui gagnerait à durer dans le temps. Si on veut aller plus loin dans le mode de consommer différemment, le fait de choisir les matières et leur provenance quand on coud et tricote, c’est aussi affirmer une certaine position.
Que conseilleriez-vous à une personne qui souhaite mais n’ose pas se lancer dans l’aventure de l’entrepreneuriat ?
Avoir peur, c’est normal. Il s’agit d’un grand changement financier, de quotidien, ça exige des ajustements dans sa vie. Mais il faut croire en son idée, en son projet et en soi. Les difficultés permettent simplement de réajuster le projet et de prendre une autre direction qui n’était peut-être pas celle initialement prévue. Mais tous les chemins mènent à ce qu’on aime faire ! Il vaut mieux ne pas vivre avec des regrets, ça c’est sûr.
Si on a une idée de projet entrepreneurial, il faut la tester. Il y a plein de moyens de le faire ! Moi, je me suis lancée en étant en congé de création d’entreprise, ce qui me laissait la possibilité de reprendre mon ancien poste si mon projet ne me convenait finalement pas.
A quoi ressemble la journée type d’une entrepreneuse comme vous ?
Je me réveille, je bois mon thé vert et je réponds à mes mails puisque des tas de partenariats sont en train de se mettre en place. Comme j’ai également une boutique en ligne, je fabrique, gère mes stocks, envoie mes commandes…
Une bonne partie de ma journée me sert à chercher des locaux pour animer mes ateliers itinérants. Je consacre en général mon mercredi aux tutos et à la création. Le reste du temps, je co-anime en plus un groupe de créatifs sur Facebook qui s’appelle “Projet DIY”.
C’est une affaire rentable ?
Oui, dans le sens où je n’ai aucun loyer à payer mensuellement, j’ai donc moins de pression en terme de rentabilité et de chiffre d’affaire. Mon métier de base, c’est attachée de presse, mais mes missions de consulting en communication se réduisent de plus en plus, ce qui est bon signe !
Suivez Audrey sur www.thefunkyfreshproject.com.
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