Portrait de la jeune fille en feu. C’était la sensation féminine sur la Croisette lors du dernier festival. Un réalisation en apparence d’un sublime classicisme. En apparence seulement. Le dernier long-métrage de la réalisatrice engagée Céline Sciamma renouvelle le genre du film d’époque - l’action se déroule en 1770 en Bretagne - avec une œuvre particulièrement contemporaine, récompensée par le prix du meilleur scénario à Cannes.
L'avortement, l’amour entre deux femmes... Autant de questionnements très actuels dans un film solaire, bouleversant de délicatesse et d’esthétisme qui se revendique comme une éducation sentimentale.
Le pitch
Portrait de la jeune fille en feu, c’est l’histoire d’une femme peintre, Marianne (Noémie Merlant) engagée secrètement pour réaliser le portrait de mariage d’Héloïse, une jeune fille aristocrate, tout juste sortie du couvent et promise à un homme qu’elle n’a jamais vu. Comme le veut la tradition, la toile doit être envoyée au plus vite au fiancé impatient.
Seul acte de rébellion possible pour retarder un destin qui ne lui appartient pas : Héloïse, campée par l’incroyable Adèle Haenel, refuse de poser et fait fuir tous les peintres qui ne parviennent à capturer son visage. En se faisant passer pour sa nouvelle dame de compagnie, Marianne observe Héloïse pour mieux esquisser son immense beauté et percer à jour la femme qu’elle est.
La question existentielle de l’art et du désir
Le titre du film possède le nom d’un tableau… Et c’est avant tout la naissance d’une œuvre d’art, les coulisses d’un tableau que dévoile ce Portrait de la jeune fille en feu qui décrypte les questions métaphysiques de l’artiste, faisant écho à l’œuvre de Virginia Woolf, au Portrait de Dorian Grey d’Oscar Wilde ou au Peintre de la vie moderne de Baudelaire.
C’est seulement après vingt longues minutes de suspense que le vrai visage d'Héloïse se dévoile au spectateur, vu à travers l’œil de l’artiste. Véritable acte de survie, Héloïse refuse jusqu’ici de livrer son âme à un portraitiste. Mais le regard libre et neuf que Marianne va poser sur elle va révéler ce diamant brut et faire naître un amour passionnel et impossible entre le peintre et son modèle.
La sensualité réinventée au cinéma
Ici, la question du regard, du désir est essentielle, loin des codes archétypaux de la représentation féminine et sexuée par un homme. Céline Sciamma pose sa caméra sur la nuque, propose des plans serrés sur une épaule, une main, un regard, et capte l’excitation qu’une simple lumière sur un grain de peau peut engendrer.
Loin du “male gaze” dénoncé dans le cinéma, l’art de la suggestion de la réalisatrice crée un érotisme d’un genre nouveau au fil de scènes de sexe d’une sensualité troublante et d’un dialogue amoureux singulier mais d’un naturel formidable.
Un élan de poésie et d’esthétique merveilleux qui ringardise d’un coup les scènes crues et les polémiques autour de La vie d’Adèle, Palme d’Or il y a seulement 6 ans à Cannes. La preuve que le pouvoir des femmes dans le monde du cinéma évolue doucement, mais sûrement !
En salle le 18 septembre.
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