Êtes-vous plutôt Goncourt ? Renaudot ? Cette semaine, c’est la fashion-week de la littérature. Les résultats sont tombés: tandis que le génial Jean-Paul Dubois succède à Nicolas Mathieu pour le prix Goncourt avec son roman Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, c’est Sylvain Tesson qui remporte, à la surprise de tous, le Renaudot avec sa Panthère des neiges. Lequel faut-il lire en priorité ? On vous aide à les départager
Un Goncourt drôle et nostalgique
Il était une fois… Le prix Goncourt. Il est à la littérature ce que les 3 étoiles sont au Michelin. Un Graal littéraire qui permet d’écouler 300 000 romans en moyenne en quelques mois. Depuis 1903, dix vénérables écrivains (Bernard Pivot, Eric-Emmanuel Schmitt…) se réunissent tous les ans pour consacrer le meilleur livre de l’année en direct du restaurant Drouant. Un temps considéré comme vieillissant, le Goncourt a retrouvé du coolness. Preuve à l’appui : la très rock'n'roll Virginie Despentes fait désormais partie de l’académie qui a eu l’audace de récompenser le très conversé Chanson Douce de la jeune Leïla Slimani ou Au revoir là-haut de Pierre Lemaître.
Qui ça ?
Auteur de quinze romans dont l’hilarant et culte Vous plaisantez monsieur Tanner ? et le somptueux Une vie française, le discret et pudique Jean-Paul Dubois ne démérite pas son Goncourt. S’il jure à chaque parution qu’il n’écrira plus de roman, l’ancien journaliste ne peut s’empêcher de dégainer régulièrement de nouveaux petits trésors, pour notre plus grand plaisir !
Le pitch
Le jour de l’élection de Barack Obama, Paul Hansen est enfermé au pénitencier de Montréal (ne demandez pas pourquoi, ça n’a presque aucune importance). C’est avec Horton, un Hells Angel phobique des souris et des séances de coiffure, qu’il partage sa cellule. Dans ce minuscule enclos, Paul ravive ses morts en sondant ses souvenirs avec sa femme Winona, sa chienne Nouk ou son père pasteur. Un moyen pour l’homme endeuillé de reconstituer un semblant de bonheur…
Un Renaudot contemplatif
Il était une fois… le prix Renaudot. La version LOL des prix littéraires : le Renaudot, c’est avant tout l’histoire d’une bande de journalistes morts d’ennui et de faim en attendant les résultats du Prix Goncourt ! Et quand l’estomac gargouille, quelle meilleure idée que de créer son propre prix littéraire, sorte de grosse boutade anti-Goncourt ? “Allez, on va couronner un livre marrant”, s’écria l’un des journalistes en 1926. Mais les meilleures blagues sont les plus courtes et contre toute attente le Renaudot est vite érigé comme le concurrent redoutable de son aîné, big bro Goncourt. La preuve, il sera le premier à consacrer Louis-Ferdinand Céline.
Qui ça ?
Une fois n’est pas coutume, le jury du Renaudot continue les petites blagues de dernière minute : alors qu’il ne figurait même pas dans la liste, c’est Sylvain Tesson et sa Panthère des neiges qui succède à Valérie Manteau pour Le sillon. Les amateurs de cet écrivain voyageur peuvent se frotter les mains car, pas de mauvaise surprise, ce roman est du pur Tesson.
Le pitch
Après les forêts de Sibérie, c’est cette fois au sommet du Tibet que nous emmène l’expéditeur au côté de Vincent Munier, un photographe animalier. Au programme : -35 °C, 5000 mètres d’altitude, un espoir et une attente infinie de voir apparaître la plus belle et la plus rare des panthères en voie de disparition. Sans bruit, on accompagne impatiemment ces hommes motivés par une quête peut-être vaine…
Verdict
Cette année, deux salles deux ambiances pour ces Graal des prix littéraires.
Certes, La panthère des neiges de Sylvain Tesson est une magnifique expédition aux élans philosophiques, à la plume entraînante et aux paysages époustouflants. Certes, ce voyage littéraire résonne comme une ôde à la nature sauvage dans toute sa splendeur et sa complexité.
Mais notre coeur balance pour le roman total de Jean-Paul Dubois qui vous suivra longtemps après sa lecture. En explorant avec humour et nostalgie l’âme d’un homme enfermé et triste, le Goncourt couronne cette année un chef-d’œuvre d’humanité pétillante, de mélancolie bouleversante et d’espoir réconfortant. À vous jouer.
Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon de Jean-Paul Dubois, Éditions de l'Olivier
La panthère des neiges de Sylvain Tesson, Gallimard
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