Derrière la série culte Connasse, il y avait Noémie Saglio, la nouvelle réalisatrice star des trentenaires. Cette sexy mamma revient avec Telle mère, telle fille, une comédie furieusement dans l’air du temps qui traite de la maternité, de la génération Y un peu trop coincée et des quinquas qui ont du mal à trouver leur place. En tête d’affiche de ce drama familial version 3ème millénaire, le duo mère-fille Camille Cottin et Juliette Binoche (qui tombent enceintes en même temps), Lambert Wilson et Catherine Jacob. L’occasion pour Noémie Saglio de nous raconter les coulisses de la comédie française la plus attendue du printemps, rythmée par les mélodies hyper entraînantes de M.
Les films qui t’ont donné envie de faire ce métier ?
Les vraies comédies de meufs comme Mes meilleures amies. Je suis très comédies anglaises. Love Actually reste mon TOP 1. Je sais, ce n’est pas très original mais pour moi une bonne comédie, c’est de l’humour et beaucoup de tendresse, sinon je m’ennuie hyper vite. Il faut un personnage auquel on s’attache, un supplément d’âme. De la vanne pure, ça m’emmerde.
© Mars Distribution
Comment commence l’aventure d’un film ?
Je participe toujours à l’écriture du scénario qui dure environ 18 mois avec les retours des partenaires (le producteur, les chaînes, la distribution). Tout le monde fait des commentaires sur le scénario pour l'améliorer ou parfois le bousiller, mais tu es bien obligée de les prendre en compte, parce que sinon, tu ne peux pas faire le film ! Une fois que tout le monde est satisfait, on passe au casting...
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D’où vient l’inspiration d’une mère et d’une fille enceintes en même temps ?
J’ai vu une émission avec Agathe Pastorini, ma co-auteure, sur des mères et des filles enceintes ensemble, et j’ai une copine dont la belle-mère était tombée enceinte en même temps qu’elle... Franchement, c’était un peu problématique… Je cherchais une idée qui parle de maternité, de la famille de façon drôle et loufoque : il y avait dans cette situation tous les facteurs de comédie et d’émotions ! Je suis là pour faire des films hyper féminins, qui parlent aux filles comme moi… Là, on s’est dit : y’ a pas mieux !
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Camille Cottin, c’est ta muse ?
Je considère que c’est une des meilleures actrices de sa génération. On a fait Connasse et Toute première fois ensemble. Camille Cottin est mon alter ego, mon duo inséparable et ma meilleure amie ! J’écris tous mes films en pensant à elle. Mes névroses, mes angoisses : j’ai l’impression qu’elle peut incarner exactement ce que je veux. C’est un peu la fille qui me représente.
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Dans ton film, la mère est une ado attardée et sa fille une trentenaire très control-freak...
Je trouve qu’on est beaucoup plus coincé du cul que nos parents. Surtout quand je regarde ma mère, qui s’avère beaucoup plus libre et bien dans ses pompes que mes copines et moi, les trentenaires. Quand on était à l'école, on nous disait qu’on n’aurait pas de boulot, après on nous a dit qu’on aurait le sida si on couchait avec n’importe qui… Bref, on est passé à la moulinette.
Notre génération n’a pas vécu la liberté sexuelle, la liberté de pas s'inquiéter sur le boulot. J’avais envie de montrer ça… Dans le film, le personnage de Juliette Binoche est un personnage de comédie qui est un peu poussé, complètement Absolutely Fabulous, qui n’a rien à voir avec ma mère. Mais elle a ce côté “Putain, arrêtez de vous prendre la tête les trentenaires, vous avez la vie devant vous ! ”.
C’est quand même hyper gai, cette image de la femme où à 50 ans, tu n’es pas un vieux thon qui a envie de se buter, mais une femme canon qui revit et qui se redécouvre à boire des mojitos et à s’éclater avec ses copines !
Tu te sens fille parfaite ou mère indigne ?
Tout le monde m’a reconnue dans les deux personnages… Je pense qu’elles ont toutes les deux ma personnalité. J’essaie toujours de rentrer dans la norme mais j’ai un petit côté farfelu qui malheureusement me dépasse un peu. Je suis très mère, très très maternelle avec ma fille, à la fois sévère et tendre sans l’élever dans des carcans. Bref : je fais vraiment ce que je peux comme tout le monde !
© Studio Cui Cui
Comment se déroule un tournage ?
Avant le tournage qui dure 2 mois environ, on a un plan de travail hyper précis avec les horaires, les dates des acteurs, les nuits où l’on tourne, le tout sans enchaîner jamais plus de 12h de travail par jour. Tout est pratiquement réglé à la minute. Quand on tourne, j’arrive le matin, je vais dire bonjour aux comédiennes, on fait une petite répétition de texte et après on tourne.
On est comme un petit cirque itinérant ! Il y a 18 camions qui sont garés avec 70 personnes sur place (en comptant les techniciens et la cantine), dont 25 ou 30 personnes sur le plateau. Pour Telle mère telle fille, on a tourné une scène au Théâtre du Châtelet avec Lambert Wilson. On était facile 120. C’est très impressionnant car, même si en tant que réalisatrice tu es le chef d’orchestre de toute cette équipe, tout le monde sait très bien ce qu’il fait, un peu comme sur un chantier.
Et après ?
Tu passes 4 mois dans la salle à monter, fabriquer ton film. C’est hyper intense parce que tu découvre les images, tu vois ce que tu as fait et... ce que tu n’as pas fait et que tu ne peux pas refaire ! C’est le moment le plus difficile.
Comment vis-tu les critiques ?
Au tout début, tu te les prends en plein dans la gueule !
J’aime beaucoup cette comparaison. Pour juger la performance d’un skieur, il y a un chronomètre. Il va au-dessus, c’est mort. S’il est en-dessous, c’est génial, il gagne.
Quand tu fais un film, c’est comme si chaque personne qui allait le voir avait son propre chronomètre. Tout le monde devient critique de ciné y compris ta mère, ta sœur, la boulangère. Chacun y va de sa petite réflexion, très à l’aise. Je me souviens de mon pharmacien sur mon précédent film Toute première fois, qui me sort au moment où j’achetais du Doliprane : “Je n’ai vraiment pas aimé, je suis désolé je préfère vous le dire”. Sympa.
Pour Connasse, princesse des cœurs, on a eu énormément de “haters” avant même que le film ne sorte… Ça fait partie du jeu. Quand tu vois le public ressortir avec la banane de ton film, tu te dis que c’est pour ça qu’on fait ce métier… Après il ne faut pas exagérer, je ne fais pas du Tarantino. Telle mère telle fille, c’est un moment sympa, pas le chef d’œuvre ultime de la nation qu’on va montrer….
La plupart des actrices rêvent de devenir réalisatrice… Tu te vois en actrice ?
Oui, oui, je me suis beaucoup imaginée de l’autre côté, ça me ferait vraiment kiffer. Mais je ne suis pas très douée. De toute façon, ça m’amuse beaucoup plus d’écrire et de réaliser que de jouer et je ne me sens pas du tout capable de faire les deux. Donc si quelqu’un veut me donner ma chance ! D’ailleurs, j’ai joué un petit rôle dans le prochain film de Maxime Govare (avec qui j’ai déjà réalisé), et ça m’a fait trop plaisir !
Quel sera ton prochain film ?
C’est un projet encore assez féministe qui s’appelle “La femme moderne”, qui a été écrit à la base par Alix Girod de l’Ain. C’est l’histoire d’une femme de 40 ans qui a tout fait pour être une femme parfaite mais qui en fait est complètement paumée, sans doute parce qu’elle a trop de choix (bosser, s’occuper de ses enfants) avec la pression de tout faire bien et qui fait tout mal… Elle se réveille en 1965 dans un monde où on n’a pas le choix. C’est-à-dire qu’on n’a pas le droit de travailler sans l’accord de son mari, qu’on est obligé d’aller au club couture avec ses copines et de s’occuper de ses gosses. Cette femme découvre en fait la chance qu’elle a, et qu’il faut embrasser la liberté sans trop s’en plaindre…