Toujours caché derrière ses lunettes noires, peu de personnes ont déjà eu le privilège d’apercevoir le regard de cette légende de la mode. Pour tenter de percer le secret du “Kaiser” des podiums qui dicte les tendances depuis plus de soixante ans, le journaliste et réalisateur de biopics Laurent Allen-Caron a interrogé, dans Le mystère Lagerfeld, des témoins de l’ombre qui ont déjà croisé la route de ce génie allemand. 8 choses que vous ignoriez sûrement sur ce pape de la mode.
Un enfant rebelle et provocateur
Sur ce point, rien n’a changé : déjà enfant, Karl Lagerfeld n’en faisait qu’à sa tête ! L’école lui imposait l’uniforme et la coupe au bol ? Il s’y rendait avec sa veste en tweed, sa cravate et ses cheveux longs. Tant pis pour les représailles des professeurs !
La raison de cette révolte constante ? Impossible pour le petit garçon de ressembler aux autres et de n’être qu’un mouton dans un troupeau. S’il se fait des camarades, c’est simplement pour leur faire faire ce qu’il n’a pas envie d’accomplir lui-même, comme... nettoyer sa bicyclette ! Selon les historiens, Karl Lagerfeld n’aurait cependant pas pu échapper aux Jeunesses Hitlériennes, formation alors imposée à tous les jeunes allemands, même si le créateur n’a jamais dit un mot sur le sujet...
Un amant commun avec Yves Saint Laurent
Lorsqu’il rencontre Jacques de Bascher pour la première fois dans un club homosexuel de Saint-Germain-des-Prés en 1971, Karl Lagerfeld tombe immédiatement sous le charme de ce dandy parisien de vingt ans de moins que lui. En intégrant ce jeune aristocrate dans sa bande très fermée de la jet-set parisienne, Karl commet malgré lui une fatale erreur. La rencontre de Jacques de Bascher et d’Yves Saint Laurent, ami du couturier allemand, vient rapidement mettre de l’huile sur le feu dans leur relation. En 1973, Yves se cache à peine de sa passion dévorante pour Jacques, tandis que Pierre Bergé, furieux, s’en prend à Karl Lagerfeld, coupable à ses yeux de lui avoir présenté ce séducteur. Si cette idylle dévaste Pierre Bergé et plonge Yves Saint Laurent dans la souffrance d’une histoire impossible, Karl, lui, ne cessera jamais d’aimer Jacques.
Un ambitieux de la première heure
En plus d’être précoce, le jeune Karl était carrément visionnaire. À seulement six ans, le petit garçon passionné d’art était déjà catégorique sur son destin : “Je sais que je vais être célèbre, qu’on connaîtra mon nom dans le monde entier.” Du succès ou rien. Mature bien avant l’heure, le futur créateur ne s’intéressera presque jamais aux jeux de ses sœurs Martha Christiane et Thea, préférant largement écouter les conversations des adultes. Inspiré par les revues de caricatures satiriques que lui offre régulièrement son père, Karl Lagerfeld développe vite une passion pour le dessin et les portraits. Du dessin, oui, mais seulement en solitaire et sur des feuilles de papier blanc et absolument vierge, s’il vous plaît !
Une mère blessante mais bienveillante
Si le petit Karl a toujours été gâté par son père Otto qui lui laissait tout passer, sa mère Elisabeth n’y allait pas de main morte sur les remarques blessantes. En plus de le railler sur son physique en parlant de ses “narines trop grandes” qu’il fallait “cacher avec des rideaux”, la mère perfide se moquera de ses goûts vestimentaires, le traitant de “vieille lesbienne” lorsqu’il porte des chapeaux tyroliens. Dans la lignée de ce drôle de comportement, Elisabeth ne préviendra son fils de la disparition d’Otto, son père, que trois semaines après sa mort... Karl Lagerfeld, aujourd’hui admiratif de cette femme qui l’a façonné, concède cependant que cette mélomane et violoniste a également su remettre à sa place le petit garçon très égocentrique qu’il était alors.
Le défilé qui a changé sa vie
En décembre 1949, l’adolescent de 16 ans assiste à son premier défilé de mode, et pas des moindres : il s’agit de la collection automne-hiver dessinée par le grand Christian Dior. Non seulement Karl Lagerfeld ne perd pas une miette du spectacle, mais il s’applique à tout retenir. S’il n’est pas encore sûr de vouloir travailler dans la mode (il envisage alors d’être peintre ou caricaturiste), sa décision est prise : il doit partir à Paris. Ce départ lui permettra de se réinventer et de quitter son pays brisé. Dans ses bagages : des feuilles, des crayons et des livres. Karl a vingt ans, et Paris lui appartient. Deux ans après son arrivée, il remporte un concours de mode dans la catégorie “manteaux”. Lors de la remise du prix, il rencontrera un certain Yves Mathieu-Saint-Laurent, lauréat de la catégorie “robe du soir”. Karl fera même visiter Paris à ce jeune algérien fraîchement arrivé en France...
Un jeune créateur discret mais efficace
Si, petit garçon, Karl avait tendance à se considérer comme le centre du monde, ses premiers pas dans la mode à Paris le rendront bien plus humble. Après la mort de Christian Dior, alors que son jeune ami Yves Saint Laurent reprend les rênes de la maison et connaît une ascension fulgurante, Karl, lui, prend davantage son temps. Styliste chez Chloé, alors marque de prêt-à-porter de luxe, le couturier ne signe d’abord pas ses collections et se complaît dans cet anonymat qui lui offre davantage de liberté. Au fil des années, son personnage intrigue les médias et sa productivité fascine : à trente-sept ans, il dessine pour une vingtaine de marques et près de deux mille vêtements et accessoires par an. La légende Karl Lagerfeld est née.
Un lecteur compulsif
Plus qu’une passion, la lecture est une véritable obsession pour Karl Lagerfeld. En plus de lire une vingtaine d’ouvrages à la fois, le créateur possède autant de bibliothèques dans le monde que de maisons, soit un palmarès de pas moins de... trois cent mille livres ! Ses préférés ? Les mots de Sartre, De l’Allemagne de Madame de Staël, Été brûlant d’Eduard von Keyserling ou encore les poèmes de Catherine Pozzi. C’est même son attirance pour la plume de Balzac qui poussera le jeune garçon allemand à apprendre le français.
Le mystère Lagerfeld, Laurent Allen-Caron, Fayard
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