Et si on profitait du confinement pour revoir des chefs-d’œuvre vintage de la série ? Xavier Leherpeur, célèbre critique et créateur de l’émission Une heure en série sur France Inter, y décrypte avec une bande de spécialistes les séries les plus attendues. Dernier épisode en date : le TOP 20 génial de l’équipe. Xavier Leherpeur nous dévoile 7 pépites à revoir absolument.
Dans la catégorie “sitcom” : Les Saintes Chéries et Absolutely Fabulous
“Il y a deux comédies que j’adore et qui sont aux antipodes l’une de l’autre, mais avec comme point commun des personnages féministes”, s’amuse Xavier Leherpeur.
Les Saintes Chéries
Le pitch. Bienvenue dans le Ma Sorcière Bien Aimée made in France. “C’est une série télévisée française avec Micheline Presle dans les année 60 qui met en scène Eve mariée avec Pierre Lagarde (Pierre Gelin). Elle, c’est la femme au foyer, lui, l’homme qui bosse : on est dans une évocation sociologique datée... Sauf que c’est la formidable Nicole de Buron qui l’écrit, et c’est terriblement drôle ! Car depuis son petit intérieur calfeutré, Eve fait régner un vent d'autonomie et retourne tous les clichés patriarcaux…”
Pourquoi il faut absolument la (re)voir. “Pendant qu’elle organise la résistance, son mari, au fond, se retrouve avec un pouvoir très limité… À une époque où on considère qu’une femme qui conduit est une catastrophe, elle fait faire aux mecs tout ce qui l’emmerde, comme les créneaux, garer sa voiture. Elle se venge des hommes et affirme son pouvoir à sa façon et avec un humour ! Jusqu’à la fin de la 3e saison, où elle entre dans le monde du travail et renverse tous les clichés de l’époque.” s’amuse Xavier Leherpeur.
En streaming gratuit sur le site de l’INA
Absolutely Fabulous
Le pitch. Il était une fois... l’univers impitoyable de Patsy Stone, journaliste mode “qui n’a pas mangé depuis 1973” et sa meilleure amie, Edina, célèbre PR londonienne dans les 90’s. “Voici un ancêtre de Dix pour cent en beaucoup plus intéressant où les stars jouent déjà leurs propres rôles : Elton John, Naomi Campbell ou Christian Lacroix… Ici, les femmes ont clairement pris le pouvoir, à commencer par le personnage principal Patsy, qui est une Anna Wintour en pire…”, explique Xavier Leherpeur.
Pourquoi il faut absolument la (re)voir. “Cette série est un véritable tournant dans l’histoire de la télé. C’est trash, cul et cru et pourtant produit par… la très sérieuse BBC. Les femmes baisent les hommes et luttent contre les impératifs du corps dans un régime clopes, drogue et Coca light. On n’a jamais fait aussi impertinent, drôle et méchant que cette série britannique”, s'enthousiasme Xavier Leherpeur.
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Dans le genre “série policière sociétale” : The Wire
Le pitch. Il est presque impossible de résumer cette immense fiction HBO basée à Baltimore, créée par David Simon, unanimement saluée par la critique et véritable référence culturelle des banlieues et du rap… Cette série chorale réunit la brigade des stupéfiants et la criminelle autour de trafics de drogues avec des acteurs magistraux.
Pourquoi il faut absolument la (re)voir. “The Wire, c’est une grande réflexion sociologique et politique autour des villes oubliées et délaissées, sorties du “care” américain, où règne la corruption et la drogue. On y trouve des personnages complexes qu’on n’avait jamais vus nulle part, comme un dealer noir et gay ! Autre singularité : la série ne se répète jamais. À chaque épisode, l’histoire est racontée d’un nouveau point de vue. C’est devenu classique mais ça brise la dichotomie classique américaine : on sort du bien et du mal typiques du paysage américain. Formidable”, recommande absolument Xavier.
En intégralité sur MyCanal et diffusée en clair sur 6ter dès le 6 avril.
Dans le monde “fantastique” :Buffy contre les vampires
Le pitch. Il était une fois… une tueuse de vampires. Buffy Summers (interprétée par Sarah Michelle Gellar), lycéenne à Sunnydale, lutte contre les forces du mal avec sa BFF sorcière Willow Rosenberg et son copain Alexander. Véritable Roméo et Juliette fantasy, Buffy tombe amoureuse d’Angel, un vampire doté d’une âme : un amour impossible… “Le créateur de la série Joss Whedon a su créer des ambiances extraordinaires, de l’hommage à la série B aux récits fantastiques avec très peu de moyens”, explique Xavier Leherpeur. “C’est aussi une série rebelle, qui a osé dénoncer Thanksgiving à travers le personnage de Willow qui conspue le fait que chaque année on célèbre un véritable génocide.”
Pourquoi il faut absolument la (re)voir. “C’est la série clé des années 90, longtemps dédaignée et cataloguée comme une série pour ado par les érudits qui ne l’avaient pas vue. Mais il s’agit en réalité d’une fiction très érudite et avant-gardiste : dès la 2e saison, la série raconte la véritable sexualité de la jeunesse, loin des petites amours mignonnettes, c’est du jamais vu à la télé ! L’homosexualité de Willow, remarquablement écrite, est une première dans une série qui ne traite pas du sujet. Dans Buffy, on parle aussi de harcèlement, de gamins différents qui se font attaquer. L’épisode clé qui m’a bouleversé : Buffy se retrouve dans un hôpital psy… On y dévoile l’hypothèse de la schizophrénie de l'héroïne qui aurait une double vie imaginaire”, confie Xavier Leherpeur.
60 € la série intégrale sur leboncoin
Dans l’univers de la prison : Oz et Le Prisonnier
“Dans cette période de confinement, impossible de ne pas se concentrer sur les deux chefs-d’œuvre de l’univers carcéral…”, s’amuse Xavier Leherpeur.
Oz
Le pitch. Créé en 1997 par Tom Fontana, Oz n’est autre que le surnom d’Oswald State Correctional Facility, un prison de haute sécurité. Sa particularité ? La présence d’un quartier pilote et expérimental au sein de la maison de détention : Em City, où se côtoient les criminels plus violents. Véritable phénomène à l’époque, cette série très colorée accueille entre autres les plus grands noms du rap en guests.
Pourquoi il faut absolument la (re)voir. “C’est une série qui ressemble beaucoup à l’Amérique de Trump, un microcosme des États-Unis et de sa violence inhérente. La dramaturgie de ce huis clos en 6 saisons est constamment réinventée avec des éléments très lucides de l’univers carcéral : la sexualité, le trafic de drogues, les rapports de force entre gangs aryens face à des noirs qui refusent la suprématie blanche, des innocents qui deviennent eux-mêmes tyrans pour survivre et des personnages secondaires comme une bonne sœur et un curé qui veulent ramener de l’humanité dans cet enfer mais se retrouvent pris au piège”, s’émerveille Xavier Leherpeur.
En streaming sur iTunes
Le Prisonnier
Le pitch. Cette série britannique fétiche des intellos, qui a littéralement traumatisé une génération, a été créée par l'écrivain et ancien agent des services secrets George Markstein et Patrick McGoohan, acteur principal de ce “chef-d’œuvre en 17 épisodes”, comme le qualifie Xavier Leherpeur… L’espion se réveille un matin prisonnier d'un village sur une île, dont il ne parviendra jamais à s’échapper. Chaque habitant porte un numéro - il est le numéro six. D’où cette réplique culte. “Je ne suis pas un numéro, je suis un homme libre !”
Pourquoi il faut absolument la (re)voir. “C’est une série fondatrice autour de la paranoïa stylisée à l’extrême après la guerre froide. Un agent secret est kidnappé. On ne saura jamais par qui… Tout est inquiétant alors que le cadre est solaire et coloré. C’est une immense fiction sur la dépersonnalisation, avec en point d'orgue, l’épisode où Patrick Mcgoohan nous confronte à son double. C’est vertigineusement inquiétant.”
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Dans l’esprit “inclassable": Chapeau melon et bottes de cuir
Le pitch. Agent des services secrets britanniques dans les 60’s, John Steed résout des enquêtes aidé de ses successives assistantes. “C’est l’une des plus grandes séries de tous les temps qui pourtant a été produite sans moyens mais est d’une créativité ! Il y a tout dans ce soap : le féminisme avant l’heure, la stylisation de la mise en scène, l’intelligence des scénarios… On va de la SF à l’espionnage classique, c’est intemporel et ça n’a pas pris une ride !”, explique Xavier Leherpeur.
Pourquoi il faut absolument la (re)voir. “Voilà une série qui a compris que les femmes changeaient de statut et allaient changer de monde. Emma Peel, c’est déjà du girl power bien avant l’heure. Elle se moque clairement de l’Angleterre poussiéreuse de l’époque face au Swinging London. La grande réussite ? On est toujours à deux doigts de la femme objet, mais chaque épisode retourne la situation et au final c’est John Steed qui se retrouve en homme objet. Patrick Macnee, apprenant le départ de son comparse après la première saison, exige qu’il soit remplacé par une comédienne qui le domine sur tous les plans, à une époque où une femme était toujours le faire-valoir des héros. Et le voilà en duo avec des filles sublimes et futées, habillées en cuir, latex et néoprène, très osé, pour l’époque…”, analyse Xavier Leherpeur.
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