Quand la célèbre écrivain américaine Anne Tyler revisite à sa sauce la comédie La mégère apprivoisée de Shakespeare, dans laquelle Baptista souhaite à tout prix marier sa fille aînée à un opportuniste qui s’amusera à la "dresser", le résultat est explosif. Entre questionnements et affirmations féministes, humour absurde et intrigue bien ficelée, voici le livre qu’il vous faut pour vous changer les idées et… vous cultiver !
Du Shakespeare féministe
Le moins que l’on puisse dire, c’est que Shakespeare n’est pas un grand défenseur des droits des femmes dans ses textes (bon, en même temps, il écrivait au XVIème siècle). Dans La mégère apprivoisée, l’une des premières pièces du dramaturge, les femmes sont réduites (comme le nom de l’oeuvre l’indique) à être "éduquées" par leur mari. Lorsque qu’un certain Petruchio, attiré par l’argent de Catharina, obtient la main de cette dernière après l’avoir demandée à son père Baptista, il s’attelle très vite à la priver de nourriture, de sommeil, et la force à porter des vêtements qu’il choisit lui-même.
L’adaptation de cette pièce au cinéma par Gil Junger avec son film Dix bonnes raisons de te larguer sorti en 1999, n’est pas tellement plus clémente envers les femmes. C’est donc pour tordre le cou à ces clichés machistes que Anne Tyler s’est attaquée à ce monument de la littérature pour le rendre… diablement féministe ! Dans son roman, Kate (Catharina chez Shakespeare) est une célibataire endurcie qui tient la maison où vivent sa soeur et son père d’une main de fer. Lorsque son père, scientifique, lui demande d’épouser son assistant de laboratoire avant que son visa n’expire, la jeune femme s’offusque et ne compte pas se laisser faire.
Une ode à la liberté qui remet les idées en place
Avec une intrigue enroulée autour du mariage blanc d’une jeune fille au caractère bien trempé et avec des personnages apparemment dotés de morale, Anne Tyler s’amuse à travers ce roman à tirer la langue à la bien-pensance américaine. Impossible de ne pas s’attacher à Kate, personnage à la fois rugueux, drôle et rebelle. Son entourage craint de la voir devenir vieille fille, mais Kate se fiche pas mal de ce qu’on peut penser d’elle. Dans son métier d’assistante scolaire, elle n’hésite pas à dire haut et fort qu’elle trouve que les spaghettis de la cantine sentent le chien mouillé, et les parents d’élèves se plaignent de sa franchise irritante. Bref, Kate n’est pas diplomate, mais refuse de se plier aux règles que lui imposent sa famille, son boulot, et la société en général. Et ça fait du bien ! À lire sans modération.
Vinegar Girl, Anne Tyler, Phébus, 19 €
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