Angoissée à l’idée de passer pour une cruche ou une inculte dans les dîners en ville ? Pas de panique, dans son dernier ouvrage Nouvelles morales provisoires, le très sexy Raphaël Enthoven vous arme pour tenir des conversations intello-chics sur l’actualité et…l’humanité !
On décortique pour vous 5 idées brillantes à lui piquer :
Nationalisme vs patriotisme
Ils sont utilisés partout, tout le temps, souvent à tort et à travers. Mais connaissez-vous vraiment la différence entre ces deux mots ? Romain Gary écrivait que “Le patriotisme est l’amour des siens. Le nationalisme est la haine des autres.” À cette distinction, Raphaël Enthoven ajoute que le patriotisme est aussi la bienveillance qu’il faut avoir envers son propre pays pour regarder en face les crimes dont il s’est rendu coupable et les erreurs qu’il commet (par exemple, ne pas nier que la France est aussi ce pays qui a profité de l’esclavage et des colonies).
Alors que le nationalisme est justement le déni des erreurs ou des crimes commis par son pays, le nationaliste est celui qui revisite l’histoire à sa sauce afin de ne dire que du bien de sa nation (par exemple, ces Turcs qui, en mai 2018 à Nîmes, ont menacé de brûler les kiosques où figurait la couverture du Point qui qualifiait Erdogan de dictateur). Rien de mieux pour se la péter que de tester vos convives sur ces deux mots souvent confondus !
Faut-il enfermer les fichés S?
Si nous avons certainement tous un avis sur la question, Raphaël Enthoven vous arme pour sortir des arguments bétons. La question s’élargit en fait au-delà des fichés S : vaut-il mieux enfermer un potentiel coupable ou ne pas prendre le risque de condamner un innocent?
Si un individu fiché S commet un attentat, tout le monde accusera la justice de ne pas l’avoir enfermé avant alors même que selon la loi, l’internement préventif des radicalisés est inapplicable.
Pourquoi alors ne pas changer la loi ? Car les conséquences d’une loi qui autoriserait à enfermer de potentiels coupables en devenir seraient désastreuses : la justice prédictive prendrait la place de la démocratie, et nous serions tous mis en danger par la présomption générale de culpabilité. Par exemple, vous n’oseriez plus regarder dans les yeux votre vieux voisin du dessous qui se plaint de vos soirées, au risque de vous faire accuser d’une radicalisation capable de vous mettre derrière les barreaux. De quoi en boucher un coin aux démagos de service.
Le clitoris, une arme de guerre ?
Parce qu’il est toujours bon de rappeler le retard de notre société sur le corps féminin, rappelons que c’est seulement en 2017 que le clitoris a été pour la première fois correctement et entièrement représenté dans un manuel scolaire de SVT. Par ce geste bien que tardif, les éditions Magnard placent enfin les hommes et les femmes à la même enseigne. Mieux, cette représentation est une victoire de liberté. Car pour Raphaël Enthoven (et pour nous aussi d’ailleurs !) le clitoris est une “arme de construction massive et de confiance en soi” : en libérant les femmes de l’obligation d’être d’abord des génitrices, cet organe leur rend la jouissance de leur propre corps.
Autrement dit, parce que l’apprentissage de son propre corps est une première libération, difficile d’asservir une femme qui a conscience de la magie d’un organe exclusivement réservé à son plaisir. Pour répondre aux brutes qui défendent encore l’excision afin de réduire l’hypersexualité des femmes (comme un certain Tariq Ramadan), rien de mieux donc que la multiplication de manuels scolaires remplis de clitos et l’usage abondant de ce capuchon que Brassens appelait “L’incomparable instrument de bonheur”.
Tout le monde se trompe sur le sens du terme “sororité”
Si vous pensez que le terme “sororité” est la version masculine de “fraternité” et désigne donc une notion de solidarité entre des femmes, vous avez tout faux. En fait, il n’y a pas d’équivalent masculin à “fraternité” dans la mesure où les femmes, grammaticalement, n’en sont pas exclues.
Tout comme les droits de l’homme incluent ceux des femmes, fraternité est un mot féminin qui inclut frères et sœurs. Au contraire, “le mot sororité concerne toute minorité qui, en réaction à une tutelle imaginaire ou réelle, éprouve son appartenance comme une valeur en soi et privilégie les siens sur les autres.” Des hommes priorisent leurs droits sur ceux des femmes ? Ils peuvent eux-mêmes former une sororité. Et paf !
Le problème de l’intersectionnalité des luttes
Les luttes contre le racisme et le féminisme sont-elles compatibles ? Intéressante réflexion que celle d’Enthoven sur le sujet. En prenant l’exemple de l’association “féministe” Lallab qui veut “faire entendre les voix des femmes musulmanes”, il explique que l’organisme oppose en fait dangereusement les deux causes.
L’objectif de Lallab ? Empêcher la pénalisation du harcèlement de rue perçue, à leurs yeux, comme “une instrumentalisation féministe pour renforcer les dérives racistes et sécuritaires de l’Etat français”. Traduction : parce que l’association considère que les musulmans seraient les premières victimes de cette loi si elle était mise en application, il vaut encore mieux laisser les femmes se débrouiller avec leurs harceleurs, histoire de ne pas attiser le racisme en France. Le nom de ce phénomène de luttes convergentes qui finissent par s’opposer ? L’intersectionnalité. Ici : cette association créée une forme de féminisme misogyne qui perpétue la servitude au nom de la libération. Vous souhaitez déclencher un débat enflammé pour animer votre dîner ? Posez ce sujet sur la table : résultat garanti !
Nouvelles morales provisoires, Raphaël Enthoven, Éditions de l’Observatoire, 21€
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