Elle signe le buzz littéraire de l’automne. En racontant, dans son dernier livre La maison, ses deux années dans une maison close à Berlin, Emma Becker assouvit notre curiosité. À trente ans, la jeune écrivaine féministe aux allures de petite fille modèle est déjà à l’origine du carton érotique Mr, un roman qui explore la notion de désir et de domination chez une Lolita contemporaine. Pourquoi cette nouvelle Virginie Despentes est la nouvelle auteure à suivre de près.
Itinéraire d’une écrivaine 100 % investie
Certes, en mettant en scène des minettes brûlantes de désir pour des hommes de deux fois leur âge, ses précédents romans nous donnaient des indices sur son attirance pour les sugar daddies. Mais comment et pourquoi Emma Becker est-elle devenue volontairement une prostituée? Depuis toujours fascinée par ces femmes qui vendent leur corps, tant chez Zola que dans la réalité, l’écrivaine franco-allemande s’installe à Berlin. Lorsqu’elle s’aperçoit que la prostitution y est légale et que les bordels ont pignon sur rue, elle saute sur l’occasion.
Une adepte du journalisme gonzo
D’abord avec l’idée d’écrire un livre-laboratoire sur le sujet, la jeune femme accro au journalisme gonzo choisit d’entrer dans une maison close. Et parce qu’elle comprend que les témoignages des filles ne suffiraient pas à comprendre les mécanismes en marche, elle décide de se faire embaucher par le bordel pour devenir elle-même prostituée. Une expérience heureuse pour Emma Becker qui, alors qu’elle n’avait prévu d’y rester qu’une année, restera finalement plus de deux ans.
Exploratrice de désir
Obsédée par le pouvoir de séduction des femmes sur les hommes, cette ex-étudiante en lettres à la Sorbonne n’en était pas à son premier coup d’essai avec La maison. Lectrice fidèle du sulfureux écrivain et journaliste Hunter Thompson (Las Vegas Parano) et de Louis Calaferte et son provoquant La mécanique des femmes, Emma Becker écrit surtout pour explorer la toute puissance du désir chez les hommes et les femmes.
Ex-prostituée mais féministe
Ne vous y trompez pas : si Emma Becker a accepté de tester l’expérience dans une maison close berlinoise, c’est qu’elle y tenait les rênes. Dans ce laboratoire des comportements humains où les hommes étaient le plus souvent à la recherche de thérapeutes et de deuxièmes mamans, seules les femmes avaient le pouvoir de choisir leurs clients ou de dire non à une pratique.
Une marge incroyable d’expression aux yeux de la militante pour la légalisation de la prostitution, qui répète à qui veut l’entendre qu’il existe bel et bien une grande liberté dans ce boulot : « ça n’est pas que de la servitude, c’est aussi un choix que les femmes ont le droit de prendre pour elles-mêmes sans qu’on leur dise comment elles sont censées utiliser leur corps ». Le problème de la France sur le sujet à ses yeux ? “Il y a une espèce de puritanisme qui fait qu’on n’a pas du tout envie de parler des putes qui font ce boulot et qui en sont fières.” Bam.
La maison, Emma Becker, Flammarion, 21 €
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