Qui dit rentrée littéraire dit 459 nouveautés, soit des centaines d’auteurs à la plume bien affirmée. Pas de panique, la team Do It in Paris s’est chargée de faire le tri parmi ces tas de belles surprises. Le récit des origines de la Nouvelle-Calédonie, l’intimité d’un couple confronté aux frasques du pouvoir, le génocide rwandais à travers les yeux de plusieurs générations de victimes… Les découvertes à lire absolument, c’est par ici que ça se passe !
Dans l’intimité du palais du roi
Le bon bouquin : Le Harem du roi de Djaili Amadou Amal
Le pitch. À Yaoundé, capitale du Cameroun, un couple détonne par son mode de vie européen. Dans ce pays où beaucoup pratiquent la polygamie comme l’autorisent mœurs et religion musulmanes, Seini et Boussoura vivent un mariage monogame heureux depuis près de 25 ans. Lui est médecin, elle est professeure de littérature. Mais celui qu’on appelle affectueusement “le féministe” est rattrapé par son passé, lorsqu’il est appelé à devenir roi.
Le lamido, chef religieux et politique d’un petit territoire, meurt. Sa succession est ouverte. Des dizaines de garçons, qu’il a eus avec des femmes de son harem, peuvent prétendre à prendre sa place. Mais Seini, qui a envie de changer les choses, est choisi. Nous est alors racontée une vingtaine d’années dans le huis clos du palais.
Pourquoi vous allez adorer ? Djaili Amadou Ama, auteure engagée et déterminée à dénoncer la condition des femmes dans certains pays d’Afrique, continue de briller par ses écrits. Après Les Impatientes, dans lequel elle abordait sans filtre les mariages polygames, ou encore Cœur du Sahel, qui dépeignait le traitement réservé aux domestiques, avec Le Harem du roi, elle entre dans l’intimité d’un couple. De la remise en question de certaines pratiques et fondements traditionnels aux changements qui opèrent dans ce couple soudé, l’auteure explore avant tout cette notion de pouvoir qui semble tout puissant dans la société camerounaise.
Alice Zeniter interroge nos racines
Le bon bouquin : Frappée l’épopée d’Alice Zeniter
Le pitch. Tass a grandi en Nouvelle-Calédonie. De ses origines, elle n’a en tête que des bribes de récits contés durant son enfance. Après des études de journalisme en Australie puis en France, elle s’installe à Paris avec Thomas. Dix ans de vie commune plus tard, ils se séparent et la jeune femme repart à Nouméa où elle devient professeure remplaçante dans un lycée de la ville. Elle y fait la connaissance de jumeaux Kanak, un frère et une sœur, dont le physique, la présence et l'éveil la fascinent.
Après un travail sur L'île des esclaves de Marivaux, Tass prend la mesure de l'incongruité d’enseigner l'esprit des Lumières aux descendants de ceux que l'on a colonisés et chassés de leurs terres. Lorsque les jumeaux disparaissent, elle part à leur recherche. Son enquête, telle une documentaliste, la mènera vers la géographie, l’histoire, les mythes et légendes, la multitude d’origine des habitants de cette île du bout du monde.
Pourquoi vous allez adorer ? Alice Zeniter, à qui l’on doit déjà Sombre dimanche, Juste avant l'oubli ou encore L’Art de perdre, a le don de saisir avec justesse le contemporain. Avec Frappée l’épopée, elle livre un récit poignant sur nos racines et cette notion de territoire. Avec une subtilité malicieuse, l’écrivaine, qui n’a pas son pareil pour bousculer l’actualité, jette un regard acerbe sur la politique française en matière de bagne et de réhabilitation, sur sa manière de considérer les peuples indigènes et ceux qu'elle avait déportés. De par sa grande maîtrise des procédés romanesques, elle nous emmène loin sans jamais nous perdre et réussit même à faire de l’humour.
Gaël Faye sur les traces d’un genocide
Le bon bouquin : Jacaranda de Gaël Faye
Le pitch. Milan a 12 ans lorsque le récit commence. Nous sommes en 1994, le Rwanda est touché par une guerre civile sans précédent. De sa famille maternelle, originaire du Rwanda, Milan ne sait rien. Mais lorsqu’un cousin dont il ignorait jusqu’à l’existence débarque dans leur vie versaillaise, obligé de fuir les atrocités que connaît son pays, il se rend compte du mutisme dans lequel sa mère est plongée quant à ses origines.
Face au silence de sa famille, Milan comprend qu’il va devoir, seul, retracer l’histoire de sa mère et de son pays. Il lui faudra de multiples séjours au Rwanda, de nombreuses recherches et rencontres pour dérouler le fil de ce genocide et ses nombreuses conséquences. Accompagné de Claude, son cousin, et de Stella, une petite fille rwandaise qui observe la douleur de ses ancêtres, ils se mobiliseront pour redonner leur dignité aux victimes et aux rescapés.
Pourquoi vous allez adorer ? C’est parce que l’histoire de sa famille maternelle est riche en expériences dramatiques que Gaël Faye a pu les transformer en trames romanesques. Ce musicien et rappeur franco-rwandais s’était fait largement remarquer avec son premier roman, Petit Pays, pour lequel il avait reçu le prix Goncourt des lycéens en 2016. Par ce récit en partie autobiographique, l’auteur racontait le génocide vu par Gabriel, jeune garçon vivant au Burundi après les premières vagues de persécutions des Tutsis au Rwanda. Avec Jacaranda, il s’attèle à la lourde tâche de retracer l’histoire du Rwanda depuis le génocide via plusieurs générations d’une même famille. Les personnages sont authentiques et attachants, l’écriture est simple et percutante, l’histoire, quant à elle, est bouleversante.
La résilience selon Yasmina Khadra
Le bon bouquin : Cœur d’amande de Yasmina Khadra
Le pitch. “J’ai appris une chose dans la vie - pour se dépasser, il faut savoir prendre son pied là où on traîne l’autre.” Abandonné petit par sa mère puis harcelé par ses camarades d’école à cause de sa petite taille, à 36 ans, Nestor n’a pas eu une vie facile. Recueilli par sa grand-mère Bernadette alors qu’il n’avait que quelques semaines, il vit depuis chez elle à Barbès.
Lorsque celle-ci décède, il ne lui reste rien pour surmonter sa douleur, à part peut-être une histoire à écrire. Des vendeurs à la sauvette aux petits trafics de rue, de l’entraide entre communauté à l’incroyable diversité de culture, Nestor raconte son quotidien au côté de ses amis Frédo, Kader et Confucius, et son quartier débordant d’énergie. Par la suite, il raconte son départ pour le Sud, cette nouvelle vie qu’il tente de se construire, loin de la souffrance qu’engendrent les souvenirs.
Pourquoi vous allez adorer ? Nul besoin de présenter Yasmina Khadra, cet auteur fabuleux aux multiples coups de maître : Les hirondelles de Kaboul, Les Vertueux ou encore Ce que le jour doit à la nuit. Avec Cœur d’Amande, et sous ses airs de Romain Gary et de La vie devant soi, l’auteur décrit à merveille cette relation entre générations et livre ainsi un véritable hymne à la vie, à la complexité humaine, à l’acceptation de soi, à l’amitié et à l’amour. Yasmina Khadra a cette capacité à nous faire ressentir des émotions fortes : on rit, on pleure et on ne veut plus quitter aucun de ses personnages.
Le vent du Havre selon Maylis de Kerangal
Le bon bouquin : Jour de ressac de Maylis de Kerangal
Le pitch. Le vent, c’est ce qui la marque le plus à la sortie de la gare du Havre. Ensuite cette phrase, qui tourne en boucle dans sa tête : “Le corps d’un homme a été retrouvé sur la voie publique au Havre. Cette affaire vous concerne”. Appelée par la police de sa ville natale, elle fait le trajet de Paris. Sur place, elle apprend que son numéro de téléphone a été retrouvé écrit à la main sur un coupon de cinéma dans la poche de cet homme. L'enquête criminelle du départ vire à l'enquête intime…
L’héroïne est doubleuse de cinéma, donnant sans difficulté vie aux corps des acteurs rendus muets. Mais, dans la vraie vie, lorsqu’elle se retrouve face à un homme sans identité, elle peine à lui donner une voix, un nom et une histoire. Jour de ressac, c’est le récit de cette journée qui a changé sa vie, celle où elle a été appelée pour identifier un homme dont elle ne se souvient pas. Cette journée qui a permis à l’héroïne cette déambulation introspective, lui permettant de fouiner parmi les vieux fantômes de son passé.
Pourquoi vous allez adorer ? Avec Jour de ressac, Maylis de Kerangal nous parle de sa ville natale, cette ville portuaire battue par le vent et le ressac, à la scénographie envoûtante. Elle crée une protagoniste en miroir de sa propre vie, et signe ainsi l’un de ses récits les plus intimistes grâce à sa manière de décrire les lieux, les sensations et capturer l'instant dans toutes ses dimensions sensorielles avec précision et lyrisme. Le prix Médicis pour Naissance d'un pont, le prix Landerneau pour son roman Tangentes vers l'est, le Prix RTL-LIRE pour Réparer les vivants,... Maylis de Kerangal n’en est pas à son coup d’essai. Avec Jour de Ressac, elle est déjà en liste pour le Goncourt.
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