Un nouveau roman noir pour le trop rare Ron Rash, un recueil de nouvelles à l’humour irlandais signé Jan Carson, un second roman envoûtant pour Marie Vingtras, une critique ironique du système américain... Avec des centaines de livres sortis cette année, dur dur de choisir lesquels glisser sous le sapin. La Do It Team a fait le tri pour ne vous proposer que ses vrais coups de cœur de l’année. La sélection des meilleurs romans à offrir, c’est par ici que ça se passe.
Un recueil de nouvelles loufoques
Le bon bouquin : Le fantôme de la banquette arrière de Jan Carson
Le pitch. Le fantôme d’un vieux bougre catholique qui empeste le tabac et bougonne sur la banquette arrière de la voiture familiale, un père de famille contraint d’emmener ses fils au fast food qui désespère de ne pas les voir réapparaitre à la sortie du toboggan en plastique, une petite fille trahie par son père qui lui avait promis la cabane du jardin si elle la nettoyait, une jeune femme qui se voit voler sa plage par un bébé mangeur de sable…
Chacun des récits de ce recueil, à sa manière, vient s’inscrire dans la pure tradition des nouvelles anglo-saxonnes, à la fois drôles et cinglantes. Elles font toutes froid dans le dos, oscillant entre un réalisme cru, révélateur de nos vices sociaux, et un fantastique qui pourrait presque nous sembler anodin.
Pourquoi vous allez adorer ? Jan Carson s’était déjà fait remarquer avec Les lanceurs de feu et Les ravissements. Cette auteure, originaire d’Irlande du Nord, campe chacun de ses romans dans cette ambiance mystique propre à ce pays toujours hanté par ses fantômes. D’une écriture franche, elle dresse le portrait de personnages peu ordinaires, raconte des histoires souvent loufoques et s’amuse des complexités humaines. Le fantôme de la banquette arrière est une invitation à arpenter les paysages merveilleux de cette région et à découvrir l’univers si particulier de l’écrivaine. Jan Carson observe sans charité mais non sans humour cette société cruelle qu’est la nôtre.
Un fait divers envoûtant
Le bon bouquin : Les âmes féroces de Marie Vingtras
Le pitch. “Elle était là hier, elle sera là demain, se disent-ils, parce qu'ici rien ne change, c'est ce qui fait tout le charme de cette ville.” Le récit commence comme un roman policier, avec un fait divers. Leo, une adolescente de 17 ans, est retrouvée morte au bord d'une rivière. La shérif Lauren Hobler découvre son corps au milieu des iris sauvages. La nouvelle fait rapidement le tour de Mercy, petite ville rurale de moins de 4 000 âmes. Il faudra à Lauren une année complète pour élucider le mystère de Leo et de ses silences.
Mais ne vous y trompez pas, ceci est un roman noir. Au fil des saisons, certains habitants se confient sur leur vie passée, leurs secrets et le lien qui les unissait à la jeune fille. Il y a Benjamin, Seth, Lauren et les autres, Jenkis et Emmy. Les gens de Mercy pensaient se connaître mais en savent si peu sur eux-mêmes ! C’est ainsi que l’enquête policière se transforme en enquête psychologique, sondant ce que l’âme humaine a de plus fragile.
Pourquoi vous allez adorer ? Après Blizzard, un premier roman multi primé, Marie Vingtras livre un nouveau coup de maître, prouvant par la même occasion son talent pour les romans à grande intensité romanesque. Les personnages sont admirablement composés et bien plus complexes qu’il n’y paraît. Au fil de ces quatre monologues intérieurs, l'étau narratif se resserre, les masques tombent et donnent finalement un sens au récit. Marie Vingtras livre un roman choral sensible, et une véritable étude psychologique, traquant la part d’ombre de chacun, au-delà des apparences. Un récit surprenant !
Une épopée tragique dans les USA des 90’s
Le bon bouquin : On m’appelle Demon Copperhead de Barbara Kingsolver
Le pitch. “Pauvres mômes. On est censés dire, regardez-les, ils ont fait de mauvais choix qui les ont conduits à une vie de misère.” Né à même le sol d'un mobil-home, d'une jeune toxicomane et d'un père trop tôt disparu, Damon Field n’est pas destiné à un avenir radieux. De services sociaux défaillants en familles d'accueil véreuses, de tribunaux pour mineurs au cercle infernal de l'addiction, le jeune garçon mène sa barque, résilient et digne, à travers les recoins les plus sombres des États-Unis.
Misère endémique, dépendance à l'Oxycontin, défaillances des institutions de santé et de protection à l'enfance, entre autres, multiples deuils… Surnommé Demon Copperhead du fait de ses cheveux roux, fort d’une rage de vivre hors du commun, il tente de se faire une place dans un monde qui ne veut pas de lui et, se faisant, se garde une place dans notre cœur de lecteur. Un destin violent qui sert un roman d’une grande humanité à mettre entre toutes les mains ! Bouleversant, déchirant mais surtout inoubliable.
Pourquoi vous allez adorer ? Depuis son premier roman L’arbre aux haricots, Barbara Kingsolver aborde avec un certain humour des thèmes compliqués (défense de la nature, réfugiés, mépris de la société pour les plus démunis, sens de l'indépendance…). Avec Demon Copperhead, elle fait un examen féroce de la pauvreté contemporaine. Ce dernier, comme le Copperfield de Dickens, L’Attrape-cœurs de Salinger ou encore plus récemment le Chardonneret de Donna Tartt, est l’anti-héros d’une grande et tragique épopée. Au cœur de cette trame romanesque hors du commun, on redécouvre une Amérique ravagée par les inégalités, l’ignorance et les opioïdes. Sans parler évidemment de toutes les références au roman d’apprentissage de Charles Dickens, troquant la Grande-Bretagne du XVIIIè siècle aux États-Unis des années 1990… Couronné par le prix Pulitzer et le Women's prize for fiction, n’attendez plus : courrez le débusquer et le glisser sous le sapin.
Un roman noir digne des scénarios de Shakespeare
Le bon bouquin : Une tombe pour deux de Ron Rash
Le pitch. Famille aisée de Blowing Rock, petite ville de Caroline du Nord, propriétaire de vastes terres, de la scierie et du magasin général, les Hampton ont de grands projets pour leur fils. Jacob, le fils en question, a, quant à lui, passé sa jeunesse à décevoir ses parents : un refus catégorique de faire des études, une amitié avec Blackburn, croque-mort défiguré et boiteux à la suite d’une polio, et une histoire d’amour avec Naomi, fille d’un paysan sans le sou. Comme si ça ne suffisait pas, Jacob se marie en cachette, achète une petite bicoque en ruines à la sortie de la ville et quitte le pays pour s’engager en Corée, laissant sa femme enceinte entre les mains de ses chers parents.
Profitant de l’éloignement de leur fils adoré, Mr et Mme Hampton élaborent un plan machiavélique, justifié à leurs yeux par une certaine idée de l’amour parental. Leur objectif ? Récupérer leur fils et se débarrasser définitivement de Naomi. C’est sans compter sur la gentillesse infinie de Blackburn et sa fidélité à toute épreuve. Une tragédie qui se joue en cinq actes, un suspense qui monte peu à peu, une vérité qui explose à la toute dernière ligne de la toute dernière page. Redoutable !
Pourquoi vous allez adorer ? Il faut bien le dire, Ron Rash a un certain don pour raconter les histoires, et surtout celles des gens de la campagne (il est d’ailleurs le précurseur du “rural noir”). L’écrivain démontre un talent rare pour dresser avec habileté le portrait de personnages inoubliables. Ici, il imagine Blackburn, un personnage tellement magnifique que vous regretterez de ne pas le connaître autrement que par ces pages. Hypersensible, d’une singulière noblesse d’esprit, il se fait le gardien de toute cette histoire. Sous ses airs de conte horrifique, d’une guerre qui hante les esprits, de méchants beaux parents prêts à tout pour protéger l’honneur familial, se cache un roman noir d’une grande profondeur.
Une critique ironique du système judiciaire américain
Le bon bouquin : Les stripteaseuses ont toujours besoin de conseils juridiques de Iain Levison
Le pitch. “Ça fait onze ans que j'essaie de sauver le monde, et le monde continue de courir à sa perte.” Comment un avocat se retrouve, malgré lui, impliqué dans un vaste réseau de drogue et de prostitution ? On rembobine ! Justin Sykes est avocat commis d'office. Pour faire court, il passe ses semaines, dimanches inclus, à plancher sur les dossiers désespérants de petits malfaiteurs sans envergure, le tout pour un salaire de misère. En bref, il se noie dans un travail ennuyeux et dans une vie un peu monotone, soucieux de ne pas commettre d’impair.
Par l'entremise d'un détenu, il fait la rencontre de Marcus, le grand patron d’un gentlemen’s club près de l'aéroport. Celui-ci lui propose une mission plus que louche : tous les jeudis, Justin se rendra dans le club de Marcus pour y assister les employées pendant une heure avant de passer la nuit dans le motel flambant neuf qui jouxte le club. Mille dollars de l'heure pour donner des conseils juridiques aux strip-teaseuses… Las et désabusé, Justin accepte évidemment.
Pourquoi vous allez adorer ? Ce qui est certain, c’est que Iain Levison n’en est pas à son coup d’essai. Son humour noir très British, un aspect polar 100 % maitrisé, son regard acerbe sur les angles morts de la société… La plume de l’auteur de Tribulations d’un précaire et de Un petit boulot est facilement reconnaissable. Des personnages attachants, de l’humour teinté d’ironie, un regard corrosif lancé sur la société américaine, une écriture fluide et sans chichi, une intrigue qui tient la route… Voilà tout le charme de ce polar acide mené tambour battant. Privilèges, rapprochement des puissants avec la pègre, népotisme, injustices, petits arrangements entre avocat et procureur, hasard... C'est énorme, c’est le système judiciaire biaisé américain, mais c'est dit avec beaucoup de légèreté et d’ironie… alors on se dit que c’est aberrant, mais on rigole bien !
Mais aussi…
Le dernier jour de la vie antérieure d'Andrès Barba
Dès le premier coup d'œil, elle comprend pourquoi la maison ne se vend pas : trop grande, trop triste, trop impersonnelle. Puis elle découvre le petit garçon fantôme dans une pièce vide. Étonnamment, le sentiment de peur disparaît rapidement, laissant la place à la curiosité. Elle revient, jour après jour, s’appropriant les lieux pour passer du temps avec l’enfant. Elle veut comprendre comment il s’est retrouvé coincé dans cette grande maison familiale tout seul. D'une écriture poétique, Andrés Barba, à qui l’on doit déjà Une république lumineuse, raconte cette étrange rencontre et ce lien qui se crée entre eux. Faille temporelle, dérèglement de l'esprit ou simple illusion ? Peu importe, tant cette histoire est belle et délicate.
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