Jusqu’où doit-on aller pour se faire entendre ? La fin justifie-t-elle tous les moyens ? Où s’arrête la cruauté ? Où commence la culpabilité ? Non, on ne parle pas de gilets jaunes, de manif écolo, de crise migratoire ou de djihad. Quoique… L’incroyable adaptation des Justes d’Albert Camus par Abd Al Malik, au Théâtre du Châtelet jusqu’au 19 octobre, relève de l’exploit scénique et remet au goût du jour des sujets toujours d’actualité. Explications.
Un casting de (melting) potes
Joyeux mélange dans la salle du Châtelet. Il y a là les intellectuels curieux, venus naturellement en pèlerinage, et des jeunes en mission “soutien” pour leurs copains sur scène, prêts à dégainer leur Insta story. Il faut dire que le très attendu Abd Al Malik n’a pas fait les choses à moitié côté casting.
On retrouve une lourde équipe d’acteurs confirmés, pour beaucoup d'origines maghrébine, africaine et asiatique, fait ô combien rare sur les planches, dont Marc Zinga (Qu'Allah bénisse la France), Sabrina Ouazani (Plan Cœur), Karidja Touré (Bande de filles), Frédéric Chau (Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?) et même la divine Clotilde Courau dans le rôle de la Grande Duchesse (qui d’autre !).
Previously sous la neige de Russie
En 1905, le grand-duc Serge Alexandrovitch, oncle du Tsar, règne en despote sur Moscou. Il doit se rendre un soir au théâtre, seul, tandis qu’un groupe de jeunes révolutionnaires planifie son assassinat à la bombe, en pleine rue.
Oui mais voilà, au moment venu, celui en charge de le faire exploser se rend compte qu’il est accompagné sur sa calèche de sa femme et ses petits neveux. Doit-il passer à l’action malgré tout ? Le débat s’agite au Q.G. des terroristes.
Une adaptation ultra moderne
Bien que la pièce de Camus date de 1949 et relate une histoire vraie du début de siècle, elle fait bien sûr écho à l’actualité internationale en 2019, tout comme elle suggérait sans équivoque la résistance lors de la première historique. Pour lier les époques, Abd Al Malik y ajoute un chœur d’une dizaine de comédiens amateurs venus “faire peuple”, clamer leurs rêves et revendications.
En plus de ces interludes, le musicien engagé intègre également du rap, du slam et un orchestre venu rythmer tout du long sa “tragédie musicale”, servie par un décor incroyable façon maison de poupée signé Amélie Kiritzé-Topor. Une manière inédite de redécouvrir ce texte tout en dialogues dans cette salle mythique à peine rouverte, dont l’ambition nouvelle est de faire retrouver à tous le chemin du théâtre, dans la salle comme sur les planches.
© Théâtre du Châtelet - Thomas Amouroux
Jusqu’au 19 octobre, de 9 à 79 €. Réservations sur www.chatelet.com.
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