C’est la prof trop swag qu’on aurait tous rêvé d’avoir. La semaine, Lydie Clark enseigne la langue de Shakespeare à des lycéens de Seine-Saint-Denis. My tailor is rich ? Non, plutôt Happy de Pharrell Williams. Quand la cloche sonne, la wonder teacher - aussi maman poule d’une pré-ado - enfile stilettos et robes glam pour mixer dans les clubs les plus branchés de Paris. Nom de scène : Lydie Jay. Peut-on concilier job, passion et vie perso ? Réponse avec cette superhéroïne du planning, qui virevolte avec punch du préau aux platines, et sans crâner en plus.
De l'Éducation nationale aux platines, il y a un gap. Quel est votre parcours ?
J’ai commencé à mixer et à enseigner en même temps. Ça s’est fait spontanément dans les deux cas. Je suis rentrée par la petite porte de l’Education nationale, ils ne m’ont jamais laissée repartir ! Pour la musique c’est pareil, j’ai commencé à animer des soirées pour les copains, sans autre prétention que partager et passer un bon moment. Puis j’ai commencé à mixer dans un bar du 11e, Le Plein Soleil : une ambiance incroyable, de la buée sur les vitres, des mecs qui faisaient le poirier sur le bar…
Votre emploi du temps ressemble à quoi concrètement ?
Ma vie, c’est un jeu de Tetris. J’ai 20 heures de cours par semaine, multiplié par 2,5 avec les copies à corriger, les rencontres parents profs… C’est un boulot à temps ultraplein. C’est d’autant plus compliqué que je suis aussi maman. Heureusement, j’ai la chance d’être insomniaque. Côté platines, j’essaye de me cantonner à trois dates par mois, après c’est ingérable. Je ne peux pas me permettre de ne pas être à 100 % pour mes élèves le lundi matin.
Où faites-vous danser les Parisiens ?
A la péniche du Rosa Bonheur le samedi, une fois par mois. Depuis 2012, j’ai ouvert la garden party de France Galop à l’hippodrome de Longchamp. Je suis aussi résidente au Sky Bar du PSG, au 7e étage du Parc des Princes, le bar panoramique réservé aux invités du club et aux people. Un public ultra select. Le challenge c’est d’arriver à les étonner et à leur faire passer un bon moment.
Votre botte secrète pour les décoincer ?
Je passe de tout. Je commence en douceur avec du jazz, du trip-hop, des sons assez lounge pour les amener vers des tubes des années 80 hyper régressifs ou de la house bien percussive qui va les forcer à se trémousser. J’y vais au feeling. Un mix c’est un voyage, on ne peut pas anticiper la réactivité des gens.
La réaction des élèves quand ils apprennent que la prof est DJette ?
Les petits sixièmes sont hyper mignons : ils viennent me voir en début d’année Madame, c’est vrai que vous êtes Lydie Jay ? Comme si j’étais David Guetta ! Ça me touche, mais je leur explique bien qu’ils doivent faire la part des choses entre madame Clark en classe et Lydie Jay qui joue de la musique.
Et vos collègues ?
Ça dépend, ça peut faire grincer des dents. Je ne suis pas prof de yoga ou de broderie. Le milieu de la nuit, la musique électronique… peuvent être mal perçus.
Vous avez également participé à la Techno Parade…
En 2003, je me suis lancé le défi de réaliser mon propre char de DJ femmes avec Muriel Moreno - ex chanteuse de Niagara. Une aventure de 7 mois hyper enrichissante. Puis en 2008, j’ai proposé à mon directeur un pari fou : faire le char du lycée pour promouvoir notre établissement auprès de 350 000 jeunes. Aller à la pêche aux sponsors, dénicher des prestataires aux meilleurs tarifs, gérer le budget… un gros boulot. Le char a été un tel succès que l’équipe de Technopol m’a demandé d’intégrer le conseil d’administration. Une super carte de visite. J’ai été repérée pour mixer sur radio FG et j’ai commencé à jouer dans de grands clubs dont le Queen, où j’ai été résidente pendant un an.
Votre plus grande fierté en tant que prof ?
La musique m’a permis de semer d’autres graines que l’anglais, créer des rencontres entre les jeunes et les artistes, Bob Sinclar, Antoine Clamaran ou Antoine Baduel, le patron de FG. Mais ma grande réussite, c’est l’organisation d’un festival électro au lycée pour financer un voyage linguistique aux Etats-Unis. En 2013, j’ai pu emmener 43 élèves du 93 vivre leur rêve américain entre Los Angeles et San Francisco. Ils en ont pris plein les yeux. Cerise sur le gâteau : un mail de félicitations de Jack Lang himself.
Parlez-vous de musique dans vos cours ?
Souvent ! Pour expliquer un fait de langue ou un point grammatical, je fais référence à une chanson voire je chante, mal (rires). Le Happy de Pharrell Williams est parfait pour illustrer la prononciation du h aspiré, ça leur plaît beaucoup.
Enchaîner un set et une journée de cours, déjà fait ?
Oui ! Et plus jamais. En 2004, on me confie les manettes de l’Amnésia, l’ex-club d’André Boudou, le père de Laeticia Hallyday. Je joue de 1h à 3h du matin. A 5 h, je devais réceptionner 77 gamins surexcités pour partir en voyage à Londres… Ça a bien piqué les yeux.
Votre dress code, en classe et sur le dancefloor ?
J’adore la mode, j’ai épousé un styliste. En cours c’est casual chic : jean, bottes, chemisier… Les élèves sont sensibles au look, on a vite fait d’être catalogué. A l’inverse aux platines, le lampadaire c’est moi ! J’aime créer un décalage entre l’image et le son. Quand on me voit avec mes petites robes glam et shiny, on pourrait croire que j’ai été habillée par le comité Miss France. Mais quand j’enlève les talons, c’est le signal que je vais envoyer de la bûche.
Si vous deviez choisir, prof ou DJ ?
Prof, c’est le plus beau métier du monde mais tellement dur et exigeant qu’on ne peut le faire qu’avec le cœur, sinon c’est une punition. Et la musique, c’est ma passion. Impossible de choisir. Ça vient d’un problème de cerveau, je suis une gauchère contrariée, j’ai les deux hémisphères qui bouillonnent en permanence ! Si je ne fais qu’une activité je déprime.
Le 93 sert souvent de référence pour évoquer la banlieue et ses problèmes. Que répondez-vous à cela ?
C’est tellement contrasté le 93, entre Saint-Denis, Le Raincy… Ce n’est pas forcément le ghetto et même dans le ghetto, il y a une richesse culturelle extraordinaire, ce sont des gamins qui ont un humour décapant, des chemins de vie qui en font des personnalités passionnantes. Quand on voit le nombre de talents qui en sont issus. A commencer par NTM, les papas du rap qui sont toujours des références pour des gosses de 12 ans. Venez dans le 93 ! 93 is beautiful.
Vos 5 pépites pour enflammer la piste
Ornette - Crazy (Nôze Remix) Une voix de velours et un beat soft pour commencer en douceur.
Eddy de Pretto - Fête de Trop Sa voix m’émeut, ses textes me prennent aux tripes.
Sarah Bialy - U Gonna Feel My Love (Accoustic Version) Quel groove, quelle sensualité dans la voix !
Aston Merrygold - Get Stupid Ça pète et ça met de bonne humeur !
Bomba Estéréo - Soy Yo Un peu de soleil et de booty-shaking au coeur de l’hiver.