Dominique Wood : entretien avec la directrice de la com’ d’Air France

Interview de Dominique Wood, directrice de la communication d'Air France

© Jean-François Roubaix

Son poste fait rêver… Pas étonnant qu’avec un CV pareil (DG de l’Agence W chez Havas, directrice de la communication de Transdev), Dominique Wood ait été recrutée comme directrice générale adjointe marque et communication d’Air France. Après 5 mois, cette bête de com’ vient de lancer JOON… Une nouvelle compagnie aérienne aux allures de coffee-shop, service assuré par des jeunes stewards en baskets où l’on peut charger son portable, mater une série et boire un jus bio.

Sympa, Dominique Wood ? Une femme pétillante, belle, cool, aussi brillante que modeste, qui jongle avec les stratégies de marque, ses quatre enfants et son mari. Bref : elle envoie du lourd. Une figure parfaite du nouveau féminisme qui revendique justement de ne pas être parfaite… mais de finir par arriver à tout faire ! Rencontre avec la businesswoman la plus inspirante du moment.

Comment devient-on directrice de la communication chez Air France ?

Je n'étais pas prédestinée à faire ce métier ! J’avais en tête de devenir économiste en entreprise… C’est dire. J’ai quitté l’université et le monde de la recherche, car c’était très théorique…

J’ai eu la chance de chercher du travail à une époque où tout était super facile, ce qui fait une énorme différence par rapport à aujourd'hui. C’était le début de la grande époque de la com’. Mes copines qui y bossaient me poussaient à me lancer. J’ai envoyé à toutes les agences qui avaient l’air sympa une jolie lettre… J’ai trouvé du boulot tout de suite chez Havas, dans une filiale où je faisais du design industriel. De fil en aiguille, j’ai passé une vingtaine d’années dans ce groupe, en changeant d’agence, en travaillant toujours sur des entreprises qui avaient besoin de changer en profondeur.

Après avoir été directrice de la communication de Transdev, j'ai rejoint en 2017 les équipes du groupe Air France-KLM. Mon parcours est vraiment une histoire de rencontres et d'opportunités.

Comment fait-on naître une nouvelle compagnie aérienne ?

J’ai rejoint Air France KLM au mois de mars. “Et si on créait une nouvelle compagnie aérienne ?”... Les premières réflexions autour de JOON étaient là, sans qu’on soit complètement sûrs que cela soit possible. Il y avait un certain nombre de conditions qui n'étaient pas réunies, surtout en termes de négociations sociales. Tout a concrètement commencé à partir du mois de juillet 2017, car les premiers accords allaient être signés. Ça devenait possible ! C’est à ce moment que les travaux se sont concrétisés : le nom, la marque, son positionnement. C’est fou, ça s’est fait en à peine 3, 4 mois. Les grandes maisons comme Air France ont une capacité à faire les choses très, très vite, en mobilisant en interne et en externe les bons partenaires.

Racontez-nous les coulisses du projet JOON.

On souhaite faire de JOON le laboratoire d'innovations d'Air France. Tout le monde s’est mis dans cette dynamique en capitalisant sur toutes les expertises de la grande compagnie Air France.

On partait d’une page blanche… Il fallait tout définir : le design, la pub, ce qu’on propose à bord en terme de restauration, la façon dont on fait évoluer l’intérieur d’un avion pour créer une nouvelle atmosphère...

Autant, il est plus compliqué de se dire “Et si on testait ce nouveau produit à bord ?” chez Air France, puisque c’est une organisation plus lourde et un déploiement plus large. Mais quand vous disposez d'une plus petite flotte, vous pouvez effectivement tester avec plus d'agilité une carte de produits et dire “Si ça ne marche pas, on changera !”.

Autre exemple, on a créé une compagnie aérienne en 2017, quand le digital et les réseaux sociaux doivent complètement dicter la façon de la vendre, de la faire connaître. Résultat, on a décidé de lancer une campagne de communication 100 % digitale. On utilise tous les réseaux sociaux pour porter l’image de JOON, contrairement à Air France dont on fait également la promo dans la presse, au cinéma, à la télé…

joon compagnie aerienne

JOON, c’est la compagnie aérienne des Millennials ?

C’est plus une marque qui s’inspire des millennials qu’une marque pour les millenials.

On avait envie de créer une marque contemporaine, moderne, qui s'adresse à son époque. C’est plus un lifestyle qu’une tranche d’âge à laquelle on s’adresse.

L’idée, c’est d’avoir une marque dans laquelle nos clients puissent se retrouver : avec une carte à bord où on peut choisir de picorer bio et de boire un smoothie ou un bon café, de pouvoir charger son portable, être connecté et regarder une série. Bref, une compagnie que l’on a voulu coller le plus possible aux nouveaux modes de vie.

Quelle est votre plus grande fierté professionnelle ?

J’en ai plein. Mais il y a une campagne dont je suis très fière autour du harcèlement à l’école, qui était un sujet tabou, en collaboration avec le ministère de l’Education Nationale. On a réussi à mettre un nom dessus et libérer la parole.

Plus récemment, je suis tombée à Roissy sur une équipe d'hôtesses et de stewards JOON qui venaient pour leur début de formation. Ils étaient tous très fiers de porter ce bel uniforme, en doudoune et baskets. C'était vraiment frais, optimiste et réel… Tout ce qu’on voulait que soit cette marque.

Et votre pire souvenir pro ?

Par nature, je concentre mon énergie sur ce qui fonctionne…

Comment faites-vous pour concilier votre vie de working girl et de mère ?

Il n’y a aucune recette magique. Parmi les secrets, il y a vraiment le choix d’un bon partenaire ! Car c’est vraiment une histoire de partenariat… Mon mari prend tout ce que je ne peux pas faire. J’ai aussi la chance d’avoir quatre enfants qui trouvent ça normal que je travaille beaucoup.

Après, il y a un truc miraculeux. Je les élève par SMS. C’est horrible à dire, mais les SMS ont changé ma vie. Avant, c’était compliqué de se parler. Quand vous êtes en réunion, difficile de prendre son téléphone et dire “Attendez-moi deux minutes, je vais appeler la maison pour vérifier si tout va bien”. C’est scandaleux, mais dès la 6ème, je les ai tous équipés d’un portable et nous avons communiqué par SMS. J’échange un nombre de messages astronomique par jour avec chacun de mes enfants. C’est une façon de garder le fil, et de savoir ce qu’il se passe. “T’es bien rentré ? Tu as fait tes devoirs ? Tu n’oublies pas d’aller à tel endroit… Si tu y penses, passe chercher ça”... Il trouvent parfois que je pose trop de questions mais en tout cas, ils n’ont pas le sentiment d'être coupés de moi.

maman digitale

Comment soutenir un quotidien hyper soutenu ?

Ne pas culpabiliser ! Parce que si vous commencez à culpabiliser, vous n'êtes jamais au bon endroit, au bon moment. Si vous êtes avec vos enfants, vous vous dites que vous devriez être en train de travailler, et vice versa. Il faut juste essayer de vivre dans le moment présent et arrêter de se projeter dans l’idée d’être parfaite.

Ensuite, il faut apprendre à dire non. Dire parfois non dans le boulot : je ne peux pas être sur tous les fronts, je ne peux pas être de toutes les réunions. Dire non dans sa vie personnelle - et c’est parfois plus difficile - c’est refuser tout ce qui n’est pas vraiment essentiel. Concrètement, vous finissez par ne plus voir seulement les gens que vous adorez vraiment, et garder le maximum de temps pour eux et pour vos enfants… Le reste, tant pis. Un film, des copains moins proches… On se rattrapera plus tard, ou pas.

ma tenue uniforme isabel marant

Vous avez une organisation militaire ?

Non, je ne sais pas faire ça… Mais il y a des espèces de rythmes auxquels il faut vraiment se tenir. Par exemple , le dimanche on déjeune tous ensemble en famille. Le plus difficile quand vous avez quatre enfants, c’est d’arriver à avoir individuellement des moments pour chacun d'eux.

Comment vous organisez-vous ?

J’ai un seul agenda, sur mon téléphone, perso et boulot. Synchronisé avec mon iPad quand j'ai besoin de le voir en plus grand. Mais je n’ai plus d’agenda papier. Et je me mets des alertes pour tous les trucs que je ne dois pas oublier, donc parfois mon téléphone sonne et je me dis “Ah oui, c’est vrai !”…

cantine

Arrivez-vous à vous déconnecter ?

Oui et non… Même en vacances, je préfère rester toujours un peu connectée.

 

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