À l’école de la bonne épouse
C’était il y a à peine cinquante ans. Et pourtant, lorsqu’on découvre les premières images de l’école ménagère de Boersch, institution alsacienne où l’on se forme à son futur statut d’épouse, on peine à croire que pareil établissement ait existé il y a finalement si peu de temps. Dans ce joli pensionnat tenu par le couple Van der Beck, des jeunes filles viennent docilement apprendre tout ce qui fera d’elles des femmes bonnes à marier (le Graal d’une vie) : couture, puériculture, cuisine, maintien, conversation. Le récit commence alors qu’une nouvelle année scolaire s’ouvre et que le personnel de l’école s’apprête à guider une énième génération de mères en devenir vers leur destin.
Un casting féminin trois étoiles
Quand Juliette Binoche se lâche, on adore. Longtemps abonnée aux films d’auteur, la comédienne jubile en Paulette Van der Beck, quinquagénaire corsetée et ultra souriante, toute entière tournée vers une perfection domestique et professionnelle qui la tient debout. Yolande Moreau, sa belle-sœur vieille fille, Bécassine alsacienne tout en émotion, nourrit l’énergie désespérée de Paulette, dont l’univers s’écroule lorsque son mari (François Berléand) décède subitement. Pour les soutenir, elles peuvent compter sur la fidèle employée sœur Marie-Thérèse. Un personnage haut en couleur créé sur-mesure par le réalisateur pour une Noémie Lvovsky qui, en sandales-chaussettes, aube et lunettes sécu, fouette tout ce petit monde avec bonheur et complète ce trio féminin qui porte littéralement le film.
Fond historique sous couleurs pop
Après la guerre, le régime “Travail, famille, patrie” de Vichy a voulu rassurer un pays sorti hagard en remettant chacun “à sa place”. Des établissements comme celui-ci, il y en avait alors un millier en France, où la mixité dans les écoles ne s’est généralisée qu’en 1975. Une volonté nationale de redonner aux femmes “leur rôle” (après qu’elles eurent tout géré pendant les combats) : celui d’épouse docile et bien éduquée, et de mère, “le plus beau des métiers”, évidemment. À l’aube de mai 68, La bonne épouse raconte, sous la comédie musicale, l’humour loufoque et les sourires XXL, les premières heures d’une émancipation dont, cinquante ans après, il est aujourd’hui plus que jamais question. Une manière de rendre compte du chemin parcouru malgré le découragement qui nous étreint bien souvent dans ce combat au long cours.
Ce qu’on a regretté
- Des personnages masculins en demi-teinte : un François Berléand outrageusement paresseux, lubrique et limité (qui meurt heureusement rapidement). Et un Edouard Baer fantasque certes mais au rôle émancipatoire assez peu poussé.
- Une intrigue accessoire dont les rebondissements prétextes ne suffisent pas toujours à capter totalement notre attention.
Ce qu’on a aimé
- Juliette Binoche, son enthousiasme, la fraîcheur de cette Paulette qui oscille entre tradition marquée au fer rouge et désir prégnant de liberté.
- Les looks, les décors, la photo de ce joli film aux faux airs esthétiques de Huit femmes.
- La force sororale qui se dégage de cet objet cinématographique non identifié.
En salles le 11 mars 2020
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