Avec un casting aux petits oignons - Mélanie Thierry, Benjamin Biolay et Benoit Magimel - le réalisateur du film, Emmanuel Finkiel, réussit haut la main le pari d’adapter La Douleur, un monument de la littérature. S’il n’est pas le premier à mettre en image Marguerite Duras (Hiroshima mon amour, Moderato Cantabile, L’Amant), il le fait ici avec une habileté et une grâce toutes particulières. Nos 3 bonnes raisons de prendre vos tickets.
Pour redécouvrir un grand classique de la littérature française
Dans ce récit autobiographique, Marguerite Duras, l’écrivaine, scénariste et réalisatrice de 17 films, dévoile une partie assez peu connue de sa vie : l’attente de son jeune mari, l’écrivain et résistant Robert Anselme, déporté dans un camp de concentration nazi en 1944. Marguerite n’a que 30 ans et vit à Paris. Femme seule pendant la fin de la guerre, employée dans une maison d’édition et toute jeune écrivain, elle enchaîne les réunions avec son groupe de résistants, se rend tous les jours à la gare d’Orsay pour accueillir les prisonniers libérés, et tient bien volontiers tête aux autorités. Le manque de l’être aimé et l’espoir du retour font naître chez elle des ruminations dépressives... Mais l’attente laisse peu à peu place au détachement puis à l’adultère avec Dionys, le meilleur ami de Robert, incarné par un Biolay plus que vrai nature.
Pour Mélanie Thierry dans son meilleur rôle
L’actrice est époustouflante dans l’incarnation des forces et des fragilités de son personnage au caractère bien trempé. Sans fard mais lumineuse, le visage bouffi par le désespoir, avec une diction subtilement durassienne, elle rentre avec une justesse exceptionnelle dans la peau d’une Duras qui oscille entre le désespoir et la détermination, la tristesse et la colère, l’angoisse et la culpabilité d’en aimer un autre. Aux côtés de Benjamin Biolay et de Benoît Magimel - qui joue le collabo passionné de littérature et séduit par la jeune écrivaine, l’actrice de La princesse de Montpensier crève l’écran. Une récompense dans le rôle de la meilleure actrice décerné à la Salle Pleyel le 2 mars prochain serait bienvenu.
Parce que la réalisation mérite un César
Admirablement écrit, le film change l’ordre des évènements du roman mais ne froisse à aucun moment le texte : avec, en voix off, la lecture de longs passages du livre par Mélanie Thierry, on plonge illico dans l’univers de l’écrivaine. Dans cette ambiance électrique de l’Occupation parfaitement retranscrite, la tension de l’espoir monte jusqu’à devenir presque insoutenable (les renversants crissements de violons y sont pour beaucoup). Pendant deux heures, Emmanuel Finkiel reproduit avec une justesse épatante l’esprit tourmenté de son héroïne, quitte à nous offrir parfois des images très abstraites qui titillent l’interprétation du spectateur. Lorsque Robert ne revient pas après la Libération et que Marguerite perd pied, l'attente est illustrée par une femme au bord de la folie qui se dédouble dans le flou et la lumière de son appartement, fume cigarette sur cigarette sur fond d’un tic tac permanent de l’horloge. Captivant.
La Douleur, en salle le mercredi 24 janvier 2018.
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