A priori, on n’imagine pas un homme perché sur des Louboutin avec un push-up et en petite culotte. Qui l’eût cru ? Ces symboles de féminité absolue, si l’on revient quelques siècles en arrière, sortent tout droit… du vestiaire des mâles dominants.
Avec Paris Figures de Mode, Soline Anthore-Baptiste, historienne de la mode, dévoile les origines et anecdotes des tenues et vêtements devenus iconiques aujourd’hui.
Les talons de Monsieur
Big news : Louboutin n’a (presque) rien inventé. Les talons rouges, symboles de richesse, étaient très en vogue chez les hommes au XVIIIe et faisaient fureur à la cour de Versailles en signifiant quand on les portait qu’on était officiellement un courtisan. Pour preuve : des peintures de Louis XIV vêtu de ses plus beaux souliers à talons rouges !
Disparus de la fashion sphère depuis l’abolition de la monarchie absolue, c’est Christian Louboutin qui les a remis au goût du jour grâce à ses très célèbres stilettos à semelles rouges très prisés des power girls, cette fois. En témoignent Victoria Beckham, Rachida Dati lorsqu'elle était ministre ou Kate Moss. Désormais “suiveurs”, les hommes comme Jean-François Piège, Edouard Baer ou Kanye West arborent à nouveau des richelieus à semelles rouges, mais à plat cette fois... La boucle est bouclée.
La marinière de Jean Paul Gaultier
© TopFoto/Roger-Viollet
À l’origine pour enfants, cette blouse ultra confort au col bateau devient en 1858 le costume officiel des matelots : un tricot bleu indigo et blanc.
C’est en 1916 que Coco Chanel féminise ce vêtement rayé et le fait rentrer dans le monde de la mode en créant l'événement. Plus tard, en 1976, Jean Paul Gaultier inaugure, lors de son tout premier défilé, celle qui va devenir sa pièce maîtresse : la marinière. En habillant les hommes en femmes, avec une coupe près du corps, le couturier bouscule les codes et l’érige comme un symbole gay et emblème de la libération homosexuelle. La vague métrosexuelle finira d’entériner ce vêtement comme un nouveau basique auprès de la génération Y au même titre que le jean ou le perfecto.
Le style dandy
Jean Rochefort, David Bowie ou Michael Douglas s’en sont plus qu’inspirés. Né au XVIIIe siècle au Royaume-Uni, le dandy British, paré de son plus beau smoking, n’hésite pas à se vêtir de fourrures et à enfiler les plus belles parures féminines, toujours sexy, chic et élégant sans jamais faire “déguisé”. Sous une forme de rébellion contre l'aristocratie et les privilèges, il prône le talent plutôt que l’argent.
Inspiré par Lord Byron, dandy des années 1800, Baudelaire amène le phénomène en France dans son recueil Le Peintre de la vie moderne. De Dior à Yves Saint Laurent, les plus grands couturiers ne manquent pas de le revisiter, au masculin comme au féminin. Ça donne une femme du néo-dandysme aussi virile que féminine, qui se rebelle contre une société trop patriarcale, aujourd'hui incarnée par exemple par la styliste parisienne Diane Ducasse.
Le push-up pour homme
© Gérard Blot/RMN-GP
Les femmes n’ont pas le monopole du push-up et des dessins qui caricaturent leur taille de guêpe. Les hommes aussi sont des adeptes du torse bombé depuis le XIXe.
À l’image du bouledogue de Tex Avery, à l’époque, la taille est ultra cintrée, le torse hyper rehaussé et gonflé, les hanches redessinées et les épaules bien carrées, grâce au matelassage du gilet : la silhouette taillée en V façon bodybuilding est née !
Les hommes sculptent leur body autant que les femmes et ce n’est pas sans remettre en question les définitions de la virilité et de la féminité, toujours d’actualité.
La chemise de la reine
C’est en 1783 qu’Élisabeth Vigée-Lebrun fait scandale avec sa peinture de la reine Marie-Antoinette (exposée au Schlossmuseum en Allemagne). L’objet de l'esclandre ? La reine est représentée en chemise. Loin des conventions de l’époque et à l’aune de la révolution, ce vêtement désacralise son rôle de reine et la rend (trop) accessible au peuple. Bien que tout le monde s’indigne, une nouvelle mode est initiée : celle des vêtements plus sobres et plus près du corps. Fini, les robes trop sophistiquées !
Sous le signe de la libération du corps de la femme perçu dans son intimité et sa simplicité, Yves Saint Laurent, Dior et Chanel n’ont pas hésité à revisiter cette pièce chic et décontractée, indispensable de la Parisienne “less is more” et stylée.
La mode des zazous
© Albert Harlingue/Roger-Viollet
La provocation est leur devise. Les zazous sont les rebelles et féministes en devenir, hommes et femmes des années 1940, aussi appelés les “petits swings” pour leur amour du jazz. Leur anticonformisme aura hérité d’une réputation de jeunesse arrogante et dangereuse pointée du doigt par le gouvernement de Vichy. En bref, être zazou c’est s’affirmer contre un système et le revendiquer autant par son attitude que par ses vêtements !
Comment reconnaître une zazou Parisienne ? Une jupe au dessus du genou, des chaussures à semelle compensée, un maquillage extravagant de party girl et une coiffure au volume XXL.
Le pantalon au féminin
© Keystone-France/Gamma-Rapho
Il est devenu le symbole du look mainstream. Hormi dans certains milieux religieux, le port du pantalon n’est plus un sujet… Il serait même associé à une forme de sobriété. Et pourtant.
Les femmes françaises ont officiellement le droit de porter un pantalon depuis... 2013. La loi interdisant "le travestissement des femmes", qui datait de 1800, est officiellement abrogée il y 6 ans seulement. Ce combat pour l’égalité vestimentaire, on le doit aux féministes comme Madeleine Pelletier et Marie-Rose Astié de Valsayre, parmi les premières à se battre pour le droit des femmes.
C’est au début du XXe siècle que, pour la première fois en France, alors que les femmes prennent la relève du travail des hommes pendant la guerre de 1914, le pantalon n’est plus une pièce exclusivement masculine.
Paris, Figures de Mode, Soline Anthore Baptiste, Parigramme, 16,90 €.
Découvrez aussi quel couple icônique vous êtes et le roman inédit de Françoise Sagan.