“Oui, je veux consommer de manière plus durable, mais les soldes arrivent...” Voilà qui résume le paradoxe du consommateur et le propos du documentaire Fast Fashion, les dessous de la mode à bas prix de Gilles Bovon et Édouard Perrin, tout juste disponible sur Arte.tv. Un électrochoc d’utilité publique à voir et revoir pour bien imprimer l’impact de nos modes de vie sur la planète et les populations les plus fragiles.
Les journalistes d’investigation ont parcouru l’Europe, l’Inde et les États-Unis à la rencontre des savoirs : anthropologue, prof d’économie, neuroscientifique, influenceuse… Jusqu’aux victimes directes de la seconde industrie la plus polluante au monde après le pétrole.
Zara, meilleur ennemi
Si, avant, la mode servait à distinguer le riche du pauvre, désormais chacun veut prétendre avoir les moyens de s’habiller. Et ça, Amancio Ortega l’a compris avant tout le monde. Le fondateur de Zara, 6ème fortune mondiale, a été LE précurseur de la fast fashion, partant du principe que tout le monde peut être à la mode et améliorer l’image de soi en choisissant des vêtements inspirés des pièces déjà existantes des grandes maisons, produits pour une période limitée pour créer la rareté et donc le désir.
Une ex-collaboratrice qui dessinait des jeans pour Bershka (parmi l’armée de 700 stylistes du siège) raconte d’ailleurs comment elle partait en voyage dans les boutiques à la recherche de la pièce parfaite à reproduire et adapter en version low cost. Pour éviter les procès au plagiat, le service juridique lui imposait même de créer 7 différences avec le vêtement de base. Et cela dans le but ultime de satisfaire constamment notre besoin de nouveautés “pour nous sentir vivre et chasser l’ennui”...
L’effet Noholita
“80 % de mon dressing vient de la fast fashion”, avoue Noholita. Forcément, une robe à 15 € ou soldée donne au cerveau l’impression d’avoir fait des économies. Résultat : on en prend plus et la pulsion d’achat devient “irrépressible”. L'influenceuse française au million d’abonnés sur Instagram incarne cette impossibilité d’être vue deux fois avec la même tenue sur les réseaux sociaux... et donc un peu dans la vraie vie aussi.
L’influence, c’est le modèle bien moins onéreux que la pub qu’ont choisi de suivre les grands noms de la fast fashion dont Asos, Boohoo et Pretty Little Things en tête de liste. Les instagrammeuses permettent de créer de façon subtile une relation personnelle et authentique avec l’acheteur… et ça paye des deux côtés ! Noholita toucherait 5 000 € par vidéo postée.
Le vrai scandale
Seulement, payer une jupe 5,99 € implique forcément une précarité de l’autre côté de la matrice. Des ateliers de misère en Angleterre paient leurs couturiers 3 € de l’heure en toute illégalité. Vos livraisons et retours gratuits ? Ils impliquent des autoentrepreneurs très précaires dans les plateformes de distribution (l’essence, les prunes, les pannes, c’est pour eux) et représentent 10 % des émissions de gaz à effets de serre de tous les transports.
Quant à la fameuse viscose vendue comme la matière green du futur, elle nécessite des produits ultra-dangereux pour la santé pour transformer du bois en tissu. À tel point qu’en Inde, des populations entières sont handicapées à force de se baigner dans des rivières polluées où des fabricants de textile ont déversé leurs déchets ultra toxiques pendant des décennies…
Mais alors, on fait quoi ?
Même si donner ses vêtements à recycler part d’un bon sentiment, en fait, seul 1 % pourra être revalorisé, et le reste… envoyé à la poubelle : “La mode durable, ça n’existe pas. En tout cas pas avec les technologies actuelles”, nous affirme-t-on.
La seule solution valable ? Arrêter d’acheter puisqu’au fond, nos armoires débordent déjà ! Mais ça, on sait que c’est ( presque) impossible, et les dirigeants de la fast fashion s’en frottent déjà les mains… Alors, le minimalisme : on s’y met pour de bon ?
Sur arte.tv du 2 mars au 9 juin 2021, mardi 9 mars à 20h50 sur Arte et en VOD
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