Circlusion. Le terme ne vous dit peut-être rien. Mais derrière ces trois syllabes qui tendent à s’imposer se cache une nouvelle pratique sexuelle qui, selon celles et ceux qui la définissent, s’oppose à la pénétration ou la complète. Vous ne comprenez rien ? Explications (claires) et conseils pour “circluer” (et kiffer sa sexualité).
La circlusion, version moderne de la pénétration
Depuis quelques mois, le terme de circlusion apparaît ici et là. On vous l’accorde, on ne tombe pas davantage sur lui que sur les mots “flavescent” (qui signifie “blond doré”) ou “infrangible” (solide).
Mais ne nous égarons pas au pays du dictionnaire et revenons à notre brave circlusion, prête à bousculer et réinventer notre sexualité. Ce néologisme est né en 2016 dans l’esprit de l’écrivaine féministe allemande Bini Adamczak et s’oppose, d’après elle, à la pénétration. Dans un article dédié*, elle écrit : “Pénétration signifie introduire ou insérer. Circlusion signifie entourer ou enrober. Voilà. En utilisant le terme de circlusion, le rapport d’activité et de passivité est inversé”.
En d’autres mots (les nôtres), la circlusion, c’est le fait d’envelopper le pénis, le doigt ou le sextoy. Quand on “circlut”, en somme, on encercle et on reçoit activement. Disons que nous avons conscience d’être la pénétrée (ou le pénétré), mais que nous prenons part au projet en englobant l’objet pénétrant. Vous voyez un peu mieux ?
Une histoire de vis et d’écrou
Pour bien saisir la circlusion, (des fois que ce soit encore flou à ce stade), citons la métaphore de Bini Adamczak : “Lorsqu’une vis est vissée dans un écrou, il y a pénétration ; lorsque l’écrou est vissé sur la vis, il y a circlusion”. Là, vous l’avez ?
Bien entendu, et comme l’ajoute l’auteure, “en réalité, les deux procédés ont lieu simultanément”. En ça, pénétration et circlusion ne sont pas tant contraires. C’est plutôt une question de point de vue.
Prenons une scène. Du sexe. Un couple hétérosexuel. Le mec fait des va-et-vient dans le vagin de sa compagne. Il la pénètre donc. Et elle ? Elle le circlut. Puisqu’elle englobe son pénis avec son vagin. Elle est l’écrou, il est la vis. Et si on aime tant cette image, c’est parce qu’elle remet les compteurs de l’égalité à zéro : la pénétration se montre encore et toujours comme une pratique dominante que l’on ne questionne même plus. En parlant de circlusion, on rappelle que les femmes ne sont pas des étoiles de mer, et que recevoir un pénis, c’est de l’action.
On peut circluer et pénétrer en même temps
Lou et Leontin, militant·e·s queer et féministes qui tiennent le compte Instagram Sapphosutra et ont consacré un post à la circlusion pour en expliquer le concept, pensent de la même façon qu’ils ne faut pas opposer pénétration et circlusion. Déjà parce que ces deux pratiques, en effet, se jouent possiblement en même temps, ensuite parce que l’homme aussi, dans le cadre hétéro, peut circluer. En gros, s’il reçoit un doigt dans les fesses, il circlut le doigt. “La circlusion devrait ouvrir sur de nouveaux imaginaires et sur de nouveaux scripts sexuels, en envisageant la possibilité d’être parfois celui ou celle qui pénètre, et celui ou celle qui circlut. Dans le sens où ses deux pratiques ne sont pas opposées, mais complémentaires, interchangeables”, expliquent Lou et Leontin.
En somme, disons que l’homme peut aussi être pénétré, donc aussi circluer, puisqu’il viendra englober le sextoy, l’index ou la banane qu’il reçoit dans l’anus ou la bouche, ce qui permet à la femme d’être dans une position de pénétrante à son tour. L’avantage, dans tout ça ? “On revisite le récit de la domination”, nous dit Martin Page, auteur d’Au-delà de la pénétration (éd. Le nouvel Attila). “Grâce à la circlusion, on peut ne plus considérer la pénétration comme une pratique dominante”. En effet, la personne qui circlut agit aussi, donc elle n’est pas tant dominée.
Imposer la circlusion sans rejeter la pénétration
Selon Martin Page, le terme de circlusion bouscule “nos vieux schémas”. Et c’est tant mieux. Mais faut-il, pour autant, virer la pénétration de notre vocabulaire ? Non. Là n’est pas le propos. “On ne veut pas exclure la pénétration”, précise l’essayiste qui ajoute : “On peut garder la pénétration mais entendre que la personne qui pénètre ne domine pas forcément, elle peut aussi être attirée par le fait d’être dominée dans la circlusion.”
Ne partez pas, c’est très clair : sentir que son pénis est enveloppé, accueilli, serré, c’est aussi être dominé alors que l’on pénètre, vous voyez ? Ainsi, si tout le monde domine à sa façon, on sort des rapports dominant·e et dominé·e, ou du moins, nous sommes beaucoup plus libres de dominer ou d’être dominé·e à tour de rôle en restant toujours dans la même position et la même pratique. Martin Page nous dit alors que le mot circlusion vient enrichir notre vocabulaire et qu’exclure le mot pénétration viendrait l’appauvrir. Or, ce n’est pas l’idée. Plus il y a de termes, plus il y a de possibilités, plus il y a de magie, plus il y a de plaisir.
Comment pratique-t-on la circlusion ?
On y vient. C’était un peu long mais il fallait bien ça d’explications avant la pratique. Mais quelle pratique ? C’est là que c’est intéressant. La circlusion est avant tout une affaire de point de vue, une façon de reprendre sa place en se rappelant que le vagin (quand on est une femme et que l’on est en pleine pénétration vaginale) enserre le pénis et ne se contente pas d’être visité. “Mais est-ce simplement descriptif ou est-ce une question de mouvements ?”, interroge Martin Page, qui note que la réponse… n’existe pas ou pas vraiment.
Disons que l’on peut “simplement” se dire que l’on circlut. Voilà, juste se le dire. Et le dire à son partenaire. Pour se sentir plus forte et à égalité, pour gommer le rapport de force et remettre l’acte pénétrant à sa place. Mais on peut aussi bouger et, dans le cas d’une pénétration vaginale, contracter les muscles du périnée pour être dans l’action au sens premier du terme, ou encore onduler son bassin pour accompagner le mouvement pénétratif. Un bon moyen d’appréhender la circlusion, de la pratiquer, de la saisir dans tous ses recoins.
Mais pour quel objectif, concrètement ? “La bataille est aussi linguistique”, précise Martin Page. Donc oui, grâce à la circlusion, nous quittons la pénétration dominante, mais en vrai de vrai, dans nos lits, voilà ce que ça change : en circluant, nous prenons conscience de notre corps, de nos muscles du vagin ou de l’anus, de nos zones érogènes, de notre puissance, du plaisir donné et reçu. Alors contractons, existons, circluons.
* Adamczak, Bini. 2016. “Come on. Diskussion Über ein neues Wort, das sich aufdrängt und unser Sprechen über Sex revolutionieren wird”, analyse & kritik 614. En ligne : www.akweb.de
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