Trois pièces stars à réserver pour les Fêtes

Les pièces de théâtre à voir à Noel

© Une journée particulière - Simon Gosselin

Et si on profitait de quelques jours de congé à Paris pour s'offrir une belle soirée théâtre ?  Le trio gagnant de cette fin d’année : l’adaptation touchante d’un film légendaire, Une journée particulière mettant en scène Laetitia Casta et Roschdy Zem, la nouvelle lecture de Cyrano de Bergerac qui décoiffe la Comédie-Française avec Laurent Lafitte et Laurent Stocker, sans oublier le voyage en absurdie mitonné par Stéphane de Groodt qui signe avec Un léger doute sa première pièce. 

 

Une journée particulière 

Une journée particulière, jusqu’au 31 décembre, Théâtre de l’Atelier,

Le pitch ? Le souvenir du film culte d'Ettore Scola sorti en 1977, porté à l'écran par la sensualité de Sophia Loren et la mélancolie de Marcello Mastroianni, tous deux à fleur de peau et bouleversants, est ravivé par la metteure en scène Lilo Baur qui réunit Laetitia Casta et Roschdy Zem dans des rôles à contre-emploi. A l’heure où la montée en puissance des droites autoritaires et populistes est alarmante, voir ce chef-d'œuvre antifasciste, antimachiste et antihomophobe revêt une saveur toute particulière. Le 6 mai 1938, le Duce reçoit le Führer en grande pompe. Dans le foyer gris d’Antonietta, ménagère fasciste peu instruite, l'excitation est à son comble : le mari fonctionnaire et les six enfants déjà convertis aux chemises brunes se préparent pour assister au défilé. Elle n’ira pas, elle a bien trop à faire, à ranger, à nettoyer. Son voisin d’en face, Gabriele, un journaliste radio licencié pour son homosexualité et ses idées progressistes, attend sa déportation. Durant une journée, ces deux solitudes vont trouver du réconfort…

Pourquoi on a aimé ? Adapter un film est toujours un exercice périlleux. Alors, voici un précieux conseil : laissez à l’entrée les à priori et ne cherchez surtout pas les comparaisons avec l'œuvre originelle. La tentation est grande, mais inutile. Dès la première scène, dans l’humble cuisine, Laetitia Casta qui surgit mal fagotée, décoiffée, fatiguée par sa vie de mère au foyer qui n’a pas le temps de rêver, est éblouissante de naturel et de sincérité. Puis le décor tournant nous emmène à la rencontre de Gabriele campé par un Roschdy Zem au désarroi malicieux. Rien ne sonne faux, le duo est étincelant d’émotions et de vérité.

Une journée particulière, jusqu’au 31 décembre, Théâtre de l’Atelier, 1 place Charles Dullin, Paris 18e

© Une journée particulière - Simon Gosselin

 

Cyrano de Bergerac 

Cyrano de Bergerac, jusqu’au 29 avril, à la Comédie-Française

Le pitch ? Dans le panthéon des œuvres littéraires françaises, Cyrano de Bergerac d'Edmond Rostand occupe une place de choix : c’est la pièce préférée des Français. Écrite en 1897, ce chef-d'œuvre romantique continue de fasciner les comédiens, les metteurs en scène et les spectateurs. Cyrano, vaillant mousquetaire et poète éloquent, complexé par son nez, est éperdument amoureux de Roxane, sa cousine, qui s’est amourachée du très beau Christian. Sensible à ses charmes,  il ne sait comment lui parler d’amour pour la séduire. Cyrano, informé du désir de sa belle-aimée, propose de prêter sa prose au jeune mousquetaire. Les lettres enflamment le cœur et le corps de Roxanne...

Pourquoi on a aimé ? Six ans après le Cyrano monté par Denis Podalydès, Eric Ruf, administrateur de la Comédie-Française et Emmanuel Daumas, metteur en scène, proposent à Laurent Lafitte d’incarner le truculent et tragique Gascon dans une nouvelle mise en scène. Celle-ci, décalée dans un décor tantôt clinquant, tantôt naïf, divise et pourtant le rythme tourbillonnant des onze comédiens, qui ne cachent pas leur appétit à faire rebondir les vers de Rostand, captive d’emblée. Quand les lumières s'éteignent, les différents personnages surgissent de la salle pour monter sur la scène habillée d’un immense rideau doré scintillant ambiance cabaret, et surmontée d’une estrade. Des hommes sont travestis en femmes, des marquis jouent les précieux, les cadets de Gascogne sont en caleçon quand débarque Cyrano qui vient interrompre la tirade du mauvais acteur Montfleury. Les premiers rires retentissent et c’est parti pour 3 heures d’un Cyrano néobaroque qui ne manque pas de panache et de singularité. Roxane (merveilleuse Jennifer Decker) est facétieuse et exaltée, Laurent Stocker campe un virevoletant Ragueneau et Yoann Gasiorowski un discret Christian. Tantôt solaire et crépusculaire, Laurent Lafitte incarne avec énergie ce triste héros doté d’un appendice aussi opulent que son verbe est haut. Pas un souffleur comme le fut Cyrano à ses dépens, mais un véritable passeur. 

Cyrano de Bergerac, jusqu’au 29 avril, à la Comédie-Française, 1 place Colette, Paris 1er. De 6 à 41 €. 

Cyrano de Bergerac, Salle Richelieu, décembre 2023 © Christophe Raynaud de Lage, coll. Comédie-Française

 

Un léger doute 

Un léger doute, jusqu’au 7 janvier au Théâtre de la Renaissance

Le pitch ? Exercice peu aisé que de résumer l’absurde. Pour faire simple, c’est un peu une pièce dans une pièce, à la manière de Six personnages en quête d’auteurs de Pirandello : une mise abyme qui brouille les frontières entre ce qui est joué et ce qui ne l’est pas. L’idée de cette pièce a germé dans l’esprit de Stéphane de Groodt durant le confinement, quand les comédiens étaient privés de ce qu’ils faisaient le mieux : jouer. En partant de cette question : “Que deviennent les comédiennes et comédiens lorsqu'il n'y a plus de public ? , le réalisateur belge tisse la toile de sa première pièce de théâtre qui débute par le salut final sous les applaudissements.  Jacques / Stéphane De Groodt, Marie / Constance Dollé, Alain / Eric Elmosnino et Anne / Bérangère McNeese viennent d’achever la représentation, à moins que cela ne soit l’inverse. Le doute pointe quand Stéphane cherche en vain son paquet de cigarettes, alors que Constance alias Marie lui rappelle qu’il est Jacques et que la pièce a commencé ! Lui n’y croit pas, persuadé qu’il peut redevenir lui-même. Entre fiction et réalité, on ne sait plus qui est qui…

Pourquoi on a aimé ? Lâchez prise et laissez-vous embarquer dans ce réjouissant voyage en absurdie interprété par un quatuor de comédiens rivalisant de talent pour instiller le doute en terre cartésienne. Portés par une langue malicieuse qui ne recule devant aucun jeu de mots et excès de rire, Bérangère McNeese est une gourde sacrément réussie, Eric Elmosnino s'affiche en grande forme dans le rôle du mari blasé quand Constance Dollé, survoltée, irradie la scène et prend un malin plaisir à malaxer les dialogues écrits par un De Groodt très inspiré par ce vrai-faux dîner de couples. Quand Jacques, le personnage interprété par Stéphane, se prétend mort et provoque le scepticisme général, la soirée est toute chahutée… mais ce n’est que la mise en route d’un engrenage qui vient mettre à mal les certitudes existentialistes. Si l’on perd parfois le fil au milieu de tous ces télescopages entre le réel et la fiction et les dédoublements de personnalités, Un léger doute nous embarque dans sa folie douce qui vient pointer des questionnements très sérieux sur les différents masques et les rôles sociaux que chacun d’entre nous arborent et endossent au cours de son existence. Sans le jeu impeccable des comédiens, le château de cartes s’effondrerait et le public avec. 

Un léger doute, jusqu’au 7 janvier au Théâtre de la Renaissance, 20 boulevard Saint-Martin, Paris 10e. 

 

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